Tactique et jeu décisif – Cyril Ravilly – Avis d’expert

Tennis-Tie-breack

Il y a en moyenne une chance sur deux pour qu’un match dans le tennis professionnel voit un set se terminer par un jeu décisif (ou tie-break en anglais). Cette proportion de jeu décisif dans un match varie beaucoup en fonction du type de joueur.

Elle est peu fréquente avec des joueurs qui sont d’excellents relanceurs (Ferrer, Djokovic, Simon), en revanche elle est bien plus significative pour les joueurs qui disposent d’un très bon service et sont difficiles à  « breaker ». En 2015, Ivo Karlovic, Milos Raonic et John Isner ont respectivement gagné 96 %, 94 % et 93 % de leurs jeux de services, soit en moyenne un break une fois tous les quatre sets…

Heureusement, ces joueurs ne sont pas parmi les plus efficaces en retour et se classent dans les trois derniers joueurs parmi les 50 premiers pour leur capacité à prendre le service adverse. Ils prennent peu le service de l’adversaire et perdent très rarement leur service. La conclusion est naturelle, ces joueurs disputent souvent le gain d’un set sur un jeu décisif.

Nombre de tie-breaks disputés par match en moyenne en 2014 (7 premiers joueurs du top 50)

Nombre de tie-breaks disputés par match (tactique)

Source : Données de l’ATP sur les tournois ATP (2014)

Pour autant ces joueurs, qui disposent généralement d’un service très efficace, sont-ils avantagés lors du déroulement d’un jeu décisif ? Souvent il est écrit que lors d’un tie-break c’est le meilleur serveur qui l’emporte. Ce point n’est pas complètement avéré statistiquement. Le principal facteur explicatif du résultat d’un tie-break est davantage le taux de victoires en carrière du joueur que le pourcentage de succès sur son service.

Comme le montre le graphique ci-dessous, il existe une corrélation assez marquée entre le taux de réussite dans un tie-break et le taux de victoire du joueur. En revanche, quelques gros serveurs (Isner, Raonic…) semblent effectivement avantagés par rapport aux autres joueurs. De même, il ressort clairement que les joueurs qui ont un service moins percutant (Nadal, Ferrer, Simon…) ont des résultats dans les jeux décisifs inférieurs à ce que leurs résultats en match laisseraient attendre…

Pourcentage de victoires en carrière (tactique)

Source : Données de l’ATP sur les tournois ATP (2015)

Quelle conclusion en tirer ?

Les joueurs qui sont habitués à jouer des tie-breaks ont sûrement un avantage par rapport aux autres. Ils ont la capacité à forcer la décision par eux-mêmes par l’excellence de leur service. Ils sont plus détendus dans les points en retour car ils peuvent prendre des risques pour glaner juste un ou deux points suffisants pour gagner le set. Pour autant les qualités mentales restent essentielles et un Isner plus solide psychologiquement dispose de bien meilleurs résultats (66 % de succès en tie-break en 2014 et 64 % en 2015) qu’un Karlovic qui ne gagne en moyenne qu’un jeu décisif sur deux (52 % en 2014, 50 % en 2015).

Monfils connaît des résultats supérieurs à ceux attendus en tie-break (71 % en 2014, 59 % en 2015). À l’inverse un joueur comme Wawrinka a des résultats étonnamment faibles dans cet exercice en 2015, toutefois il y était très bon en 2014 (66 % de victoires), ce qui montre que la confiance est déterminante et une spirale positive pour avoir des effets d’hystérésis pour les tournois suivants. De même Isner, qui disposait d’excellentes statistiques en tie-break, vient de subir 4 défaites de suite au jeu décisif du dernier set. Plus qu’ailleurs, la confiance est déterminante dans cet exercice.

Il est indéniable avec la baisse tendancielle du pourcentage de break dans le tennis moderne que le jeu décisif va jouer un rôle de plus en plus important dans le futur. Ceux qui arriveront à mieux maîtriser cet exercice en seront naturellement les gagnants.

Pour en savoir plus :

Les Fondamentaux tactiques du tennis

Cyril Ravilly

Éditions Amphora

A936

Cyril RAVILLY

Cyril RAVILLY

Diplômé de Sciences Po, l’ESSEC, d’un DEA d’Économie et de Finance, Cyril RAVILLY a fait toute sa carrière dans le management et la stratégie de grands groupes internationaux. C’est son expérience du conseil en stratégie et sa longue histoire avec le tennis qui l’ont amené à écrire ce premier ouvrage.