J’ai fréquemment constaté que beaucoup de vidéos de partage « ICT » dans lesquelles j’effectuais des tractions dites « pliométriques » ou « balistiques » étaient souvent critiquées par des individus dont les arguments ne volaient pas plus haut qu’une poule tentant de prendre son envol… il me fallait réagir ! L’article en question a pour but, enfin, de réunir les « pro » et les « anti » tractions balistiques autours d’arguments cohérents, dépassionnés et rassembleurs. Tout d’abord, commençons par clarifier les propos et dégageons les points positifs de ces deux styles de pratique.
Les Tractions strictes (culturistes)
Ce sont les tractions telles qu’apprises par des générations et des générations de pratiquants de musculation traditionnelle. C’est l’école du mouvement parfait, de la posture toujours contrôlée et de la recherche des « sensations » musculaires. Le roi Arnold en faisait lui-même son mouvement fétiche pour le développement de la musculature du dos, c’est dire sa popularité ! Quel que soit l’écartement des mains sur la barre, le principe est de passer le menton en haut et de tendre les bras en bas, le tout sans à-coups et autres mouvements parasites.
Le mode de recrutement nerveux est classique, c’est le principe de la taille tel que découvert par Henneman : Les unités motrices de petits calibres sont recrutées en premières, les autres, plus grosses et innervant des fibres musculaires de plus gros calibres, sont ensuite sollicitées en fin de mouvement, juste quelques secondes avant l’arrêt de l’exercice par épuisement.
Il en résulte un recrutement musculaire complet (spatial et temporel) et cohérent par rapport à un objectif de musculation « classique », à savoir la prise de volume musculaire (le corps réagissant à ce type d’agression en stockant plus de glycogène intra musculaire).
Traction « stricte » effectuée en pronation. (Photo : ©Denis Boulanger 2014)
Les avantages :
- style adapté à la prise de volume musculaire
- non traumatisant pour les articulations
- mouvement très complet et permettant de nombreuses variantes
- peut être pratiqué en « pré fatigue » par des individus ne pouvant exécuter un grand nombre de répétitions
- facilité de mise en œuvre, à l’instar de tous les mouvements réalisés au poids de corps
Inconvénient :
- le travail en tension continue n’est pas compatible avec le développement de la vitesse d’exécution
Attention : les études récentes mettent en lumière que l’écart des mains sur la barre n’a pas autant d’importance que ce que l’on pouvait supposer. Le recrutement d’un muscle en particulier (grand dorsal ou grand rond par exemple), en fonction de l’écartement des mains sur la barre n’aurait pas autant d’importance que ce que la seule pratique « empirique » pouvais nous laisser croire (seule la supination à plus d’incidence sur l’intervention des biceps).
Ma conclusion :
Bien que pratiquant plus intensément les tractions « balistiques » depuis quelques années, le style « classique » reste toujours un incontournable dans ma pratique et s’intègre parfaitement dans mes séances de « Cross-Training », où les changements d’intensité, de rythmes et de méthodes constituent l’essence même de l’activité.
Les critères d’évaluation :
- Moins de 5 : C’est déjà bien d’essayer !
- 5 à 10 : Moyen
- 10 à 15 : Bien
- 15 à 20 : Très bien
- Plus de 20 : Excellent pour ce style dans lequel tout type d’élan est prohibé
Les tractions balistiques (pliométriques)
Déjà mises en évidence dans mon livre « Méthode IMPACT » (Mompo / Pourcelot, Amphora 2011), mais surtout popularisées par l’activité « Crossfit », les tractions « balistiques » (style « Butterfly » en particulier) attisent la curiosité pour les plus fouineurs et avides de connaissances, mais aussi rejet et attaques malsaines de la part de certaines personnes frustrées ne sachant ou ne voulant pas se donner la peine de les apprendre et surtout de les maîtriser.
Les tractions « balistiques », contrairement à leurs sœurs « strictes », mettent à contribution d’autres aspects musculaires et coordinatifs qui conditionnent la performance. Quand les tractions « strictes » ne font appel qu’aux seules structures actives intra musculaires (filaments d’actine et myosine) pour initier le mouvement, les « balistiques » font appel à toutes les composantes musculaires qu’il soit possible de solliciter ! Ainsi, les aponévroses, tendons, fibres musculaires et ligaments concourent à rendre le mouvement plus explosif et surtout beaucoup plus rentable d’un point de vue énergétique.
Descente d’une « butterfly pull up » et action contraire des bras qui se déplient et des jambes qui fléchissent. (Photo : ©Denis Boulanger 2014)
Les avantages :
- coordination intra et inter musculaires améliorée
- recrutement nerveux qualitatif compatible avec beaucoup de sports à fortes contraintes de type « explosives »
- développement du répertoire gestuel
- développement de la motivation (on reste toujours plus motivé en apprenant d’autres mouvements)
- optimisation de la commande nerveuse par optimisation du reflexe d’inhibition réciproque (les muscles travaillent de façon plus fluide et coordonnée)
- restitution de l’énergie « gratuite » emmagasinée dans les tendons. Ceci permet la réalisation d’un plus grand nombre de répétition (rentabilité)
- mouvement « général » qui induit la mise en œuvre de l’ensemble de la musculature
Inconvénient :
– nécessitent une parfaite maîtrise de la posture et du « ressenti » musculaire
Liste des tractions concernées : je vous invite à consulter les nombreux tutoriels disponibles sur le net…
- Kipping Pull Up (avec variante chest to bar)
- Muscle Up
- Butterfly Pull Up (avec variante chest to bar)
- Clap Pull Up
Les critères d’évaluation :
- Moins de 10 : C’est un bon début !
- 10 à 20 : Moyen
- 20 à 30 : Bien
- 30 à 50 : Très bien
- Plus de 50 : Excellent
Exemples de séances
Maintenant que les esprits sont apaisés et la curiosité aiguisée, je vous propose quelques exemples de séances où les deux styles peuvent parfaitement se marier pour encore plus de plaisir et de résultats ! Et en anglais dans le texte s’il vous plaît, histoire de rester dans le coup ! Ces séances ne sont envisageables qu’à partir du niveau « moyen » en tractions « strictes »
La séance 5-4-3-2-1 :
- 5 strictes
- 4 butterfly
- 3 kipping chest to bar
- 2 clap
- 1 muscle up
Récupération entre les styles : aucune à 10 secondes maxi
Récupération entre les séries : 1’ à 3’
Nombre de séries : 1 à 10 selon votre niveau et l’objectif de la séance
La séance 1-2-3-4-5
- 1 muscle up
- 2 strictes
- 3 clap
- 4 kipping
- 5 butterfly
Récupération entre les styles : aucune à 10 secondes maxi
Récupération entre les séries : 1’ à 3’
Nombre de séries : 1 à 10 selon votre niveau et l’objectif de la séance
La séance 5X5 « ICT » :
- 5 muscle up
- 5 butterfly chest to bar
- 5 Kipping chest to bar
- 5 strictes (pronation)
- 5 strictes (supination)
Récupération entre les styles : aucune à 20 secondes maxi
Récupération entre les séries : 1’ à 3’
Nombre de séries : 5 (effectuez cet enchaînement à titre de « Body Shape »)
Façon « Pleitnev » (méthode hybride)
- 2 séries de 3 à 5 tractions lestées (travail de force avec « kipping » possible)
- r = 1’30 à 2’
- 5 X 5 secondes d’isométrie maximale (toujours lesté)
- r = 20 secondes entre chaque effort et 1’30 à 2’ entre chaque série
- 3 X 7 tractions strictes réalisées en « tension continue »
- r = 1’ à 1’30
- 3 X 7 à 10 butterfly pull up
- r = 1’ à 1’30
Prenez 3 à 5’ de récupération puis réitérez l’ensemble du bloc une seconde fois.
Bilan général
Les arguments avancés par les farouches détracteurs des tractions balistiques (fausses tractions, tractions trichées, tractions plus faciles) relèvent souvent d’un manque cruel de connaissances techniques et physiologiques.
Le constat est d’autant plus difficile à accepter que ces détracteurs ne pratiquent pas ce style de traction par manque de volonté, de technique et parfois même de « capacités physiques ».
Étrangement, nulle remarque et jugement péjoratif de la part des personnes sachant pratiquer les deux styles de pratique … Frustration des uns et ouverture d’esprit des autres, pour moi la question ne se pose plus dès lors que nous avons assimilé que ces deux styles se conjuguent à merveille dans le cadre d’une pratique sportive variée et épanouie.
Le contact de la barre avec la poitrine (chest to bar) peut s’effectuer en « stricte » ou en « kipping ». (Photo : ©Denis Boulanger 2014)