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Trails et Ultras Mythiques – Bertrand Lellouche

Comme beaucoup de passionnés, Bertrand Lellouche est tombé par hasard dans la course à pied. Plus que le simple running, l’auteur de « Trails et Ultras Mythiques », publié aux éditions Amphora, aime communier avec la nature et découvrir les belles valeurs qui conduisent les adeptes de longues distances. Tout au long de ce livre, Bertrand Lellouche livre ses secrets et son enthousiasme. Un ouvrage incontournable pour comprendre ce qui construit les plus beaux trails et ultra-trails.  

– Pourquoi ce livre ?

J’ai d’abord envie que les lecteurs découvrent un monde fabuleux, prennent du plaisir, rêvent, s’identifient… tout en captant de multiples idées à travers l’ouvrage. Si, en plus, je peux leur donner envie de participer à ces belles courses, les aider à écrire leur propre histoire et à s’accomplir, mon vœu sera alors pleinement exaucé. Je leur propose ici un vrai partage d’expériences à travers l’Hexagone et divers coins du monde.

Au départ, j’avais pris l’habitude d’écrire simplement pour partager avec mes proches, mes émotions, mes histoires afin qu’ils comprennent et vivent l’aventure avec moi.

– Avant de vous lancer dans de telles aventures, comment avez-vous débuté la course à pied ?

Tout a commencé il y a une quinzaine d’années avec un défi lancé par des amis, alors que la course à pied n’était pas du tout ma tasse de thé. Je pratiquais le judo depuis très jeune ainsi que le VTT, le tennis et la voile. Courir me paraissait alors ennuyeux, pas très ludique et ne me motivait pas du tout. En 2002, je devais faire le Paris-Versailles avec des proches mais me suis dégonflé, appréhendant aussi bien ses 16 kilomètres que sa côte légendaire. Dans la foulée, mes amis ont insisté et proposé de parcourir un semi-marathon. L’ambiance avait l’air sympa et je me suis finalement laissé embarquer.

– Le déclic est arrivé lorsque l’on vous a offert un cardio-fréquencemètre ?

En effet, cela a été clé car je me suis immédiatement rendu compte combien je courais trop vite. Avant, au bout de 30 minutes, j’étais cassé, fatigué, alors qu’il suffisait juste de s’adapter à l’effort. En parallèle, en achetant un magazine comme Jogging International, j’ai découvert que la course à pied était bien plus technique que ce que je croyais.

Cela n’était pas que physique et j’ai commencé à d’autant plus m’y intéresser que la sensation de plaisir est vite apparue. Ensuite j’ai appris à me connaître un peu plus et j’ai eu envie d’aller plus loin. Pendant 4 ou 5 ans, j’ai vécu les joies et difficultés du marathon avant de faire le choix d’aller plus loin.

– Une nouvelle rencontre va changer votre vie ?

En décembre 2007, à l’occasion de la Corrida d’Issy-les-Moulineaux, je rencontre un ami qui me dit organiser une nouvelle course, l’Éco-Trail de Paris… avec 80 kilomètres à parcourir ! Persuadé que cela n’est pas pour moi et réservé aux fous, je regarde quand même par curiosité le site internet afin de découvrir le parcours. L’ingéniosité du tracé en région parisienne me surprend et j’apprécie que l’épreuve passe sur l’île Saint Germain, tout près de chez moi. Une semaine après, le goût du défi va me pousser à m’inscrire à l’événement…

Courir dans la nature au lieu de la route m’a tout de suite emballé. Cela a révélé quelque chose en moi. J’ai découvert de nouveaux terrains de jeu, de nouveaux horizons et personnes. Les envies évoluent et je me suis aussi découvert des capacités physiques et mentales insoupçonnées. C’est devenu possible pour moi de parcourir de grandes distances dans de grandes courses.

– Et votre vie tourne aujourd’hui autour de la course à pied ?

Je suis marqué par mes 35 ans de judo, ce qui m’a conduit à toujours essayer de bien équilibrer vie personnelle, professionnelle et sportive. Je ne suis pas un drogué de course à pied et n’éprouve pas de manque si je ne pratique pas. Du coup, l’inscription à des épreuves me pousse à garder un rythme d’entraînement régulier. In fine, si je fais le nécessaire pour ne pas me planter le jour J, cela n’est pas toute ma vie non plus.

– Il y a un esprit du trail qui n’existe pas sur la route avec de la solidarité entre les coureurs. Il y a une communauté.

J’ai découvert des valeurs autour du trail avec la nature et la solidarité. Être quelqu’un de bien avec des valeurs, c’est l’esprit des trailers. Être en phase avec la nature et les autres. Plus c’est long et plus ces valeurs sont fortes. Il faut du courage, de l’humilité, de la solidarité. On ne peut pas tricher. Courir ces longues distances dans la nature me procure des émotions uniques. On profite des paysages, des levers du soleil… Il y a aussi le plaisir de se retrouver seul au milieu de la nature, comme par exemple à la Réunion lors de la Diagonale des Fous. En fait, j’aime aussi bien ces moments avec moi-même que l’esprit de groupe car l’échange est important. J’ai fait des courses en duo ou avec d’autres coureurs. Il n’y a pas besoin de parole dans ces cas-là. On apprécie ce que l’on voit et ce que l’on ressent, en silence.

– On joue avec les éléments extérieurs aussi. Il y a les risques, les blessures et l’échec ?

Il faut qu’il y ait une forme d’incertitude. Avant de partir, j’aime l’idée de ne pas être certain de finir la course. Cela doit être un défi. Il y a des paramètres qui peuvent interférer. Le plaisir est encore plus grand quand tu réussis. L’échec, j’en parle dans le livre. Cela m’est arrivé et ce n’est pas négatif. Ce sont d’abord des expériences et moyens de progresser, d’apprécier encore plus la réussite.

Ce qui rend fier, ce sont les courses durant lesquelles j’ai failli ne pas franchir la ligne d’arrivée et suis quand même parvenu au bout. Bien gérer et maîtriser une longue course est aussi extraordinaire. Il faut aussi construire son histoire et prendre du plaisir lors de l’entraînement pendant six à douze mois. La course, c’est la cerise sur le gâteau. C’est la récompense de beaucoup d’efforts. En fait, il y a toujours de belles choses à retenir et à vivre.

-C’est quoi l’échec. Ne pas rallier l’arrivée ?

Pas forcément ni uniquement car il y a aussi nombre d’aléas le jour de l’épreuve. Ne pas se donner les moyens de relever le défi fixé est surtout le premier écueil. ll ne faut pas non plus répéter ses erreurs sinon cela signifie que l’on n’a pas compris ou appris. J’ai raté des choses sur l’alimentation ou d’autres points… Tout ceci est une quête personnelle du premier entraînement jusqu’au au point final. J’essaie de comprendre et prendre du recul. L’échec est souvent très relatif et permet simplement de se remettre en question comme de progresser.

– Quelle est la course que vous auriez voulu réaliser et qui n’est pas dans le livre ?

Pour moi, il ne me manque pas grand-chose. Mais heureusement, j’ai déjà de bons projets de course cette année comme l’année prochaine. Avec une autre dimension, plus aventure. Les courses que je présente dans le livre sont des épreuves « coup de cœur » par la difficulté, l’endroit, l’organisation, le côté différent…

Je suis fier de mes courses. Il y en a que j’ai refaites mais c’est surtout la nouveauté et les découvertes qui m’attirent. Le temps et le budget, notamment pour les épreuves à l’étranger, sont cependant des contraintes. Ce n’est pas plus mal car je me dis aussi que ce sont des projets pour plus tard. Je craignais, après mes trois courses comme le Marathon des Sables dans le désert, l’Ultra Trail du Mont Blanc et la Diagonale des Fous à la Réunion, de ne plus avoir d’envies. Et finalement, il reste nombre de projets à accomplir, même si je n’aime pas trop la surenchère et veux éviter de faire la course de trop.

Je ne veux pas m’abimer même si j’ai des petits bobos. Notamment depuis 3 ou 4 ans à un genou. Je m’adapte car je veux encore marcher sans gêne dans 15 ans. Je veux pouvoir durer et prendre encore du plaisir. La pratique de la marche nordique va dans ce sens et m’a même permis de bien progresser en montagne.

Comme au judo, j’affronte les difficultés non pas en force mais en les contournant pour pouvoir m’en sortir. Je m’adapte face à l’état de mon genou et ce ménisque à préserver. Il faut se réinventer, et cet obstacle, je l’ai finalement transformé en force.

– Quelle course avez-vous préféré ?

J’ai un faible pour la Trace des Ducs de Savoie. D’abord parce que j’y ai vécu de magnifiques histoires avec de très beaux paysages sauvages. J’apprécie aussi beaucoup l’organisation soignée de l’Ultra Trail du Mont Blanc et l’enthousiasme général à Chamonix. Malgré le leadership, les organisateurs se remettent toujours en question.

Ceci étant, il y a tellement de belles épreuves ! J’apprécie aussi beaucoup les plus petites courses avec une dimension humaine importante comme le Raid 28. J’ai connu des difficultés pour la réussir et c’est une course très forte.

– Quand on passe la ligne, on éprouve quel sentiment ?

En franchissant la ligne, on ressent une forme d’accomplissement. C’est un immense plaisir avec souvent un regain d’énergie dans les derniers hectomètres qui précèdent. On savoure. C’est une belle histoire qui prend fin.

– La découverte de soi ?

Je pensais bien me connaître avec le judo. Et pourtant, on continue de se découvrir tout le temps avec la course à pied. Je ne pensais pas autant. C’est formidable. Ce voyage intérieur m’apporte un sentiment de zénitude aujourd’hui.

– Courir avec une blessure c’est possible aussi ?

Cela dépend des cas, mais on finit souvent par faire abstraction de la douleur. Le corps sécrète des endorphines et anesthésie la zone. C’est incroyable. Je l’ai vécu au Marathon des Sables face à de nombreuses ampoules. C’est énorme ! On pense à autre chose et puis… on n’y pense plus ! Il y a aussi les douleurs pour lesquelles il faut savoir s’arrêter car cela peut gravement empirer. Une fois, au Raid 28, après 12 heures de course, j’ai préféré arrêter que finir par m’écrouler en hypothermie. Il faut rester lucide et parfois savoir dire stop avant qu’il ne soit trop tard et de se mettre en danger. Je connais des cas de coureurs contraints d’arrêter la course à pied après avoir forcé pour finir leur Ultra Trail du Mont Blanc. Ce n’est pas ma philosophie car la course est d’abord un apprentissage personnel, pas un but en soi.

– Quel est le grand message du livre ?

Dans le chapitre « Les Fondamentaux », mon graphiste a fait ressortir un extrait « il faut donner du sens à ce que l’on fait ». C’est probablement la clé de tout ! L’erreur serait de ruiner son mental, son physique ou ses relations avec ses proches et son environnement. Enfin, j’encourage tout le monde à aller vivre ses rêves, souvent bien plus accessibles qu’on ne l’imagine…

Pour en savoir plus : 

Trails et Ultras Mythiques

Bertrand Lellouche

Editions Amphora

 

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