Si la musculation est souvent un outil de préparation pour les gymnastes, Antoine Locuratolo propose l’inverse dans son livre publié aux éditions Amphora et intitulé Callisthénie – La Musculation Globale. Sa méthode utilise les mouvements de gymnastique afin de développer un corps athlétique. Une discipline dénommée Callisthénie.
– La gymnastique au service de la musculation, c’est une évidence pour vous ?
Un gymnaste va utiliser la musculation en « poids de corps » en vue de la performance en gymnastique et en compétition. Je propose l’inverse afin d’offrir une condition physique complète. Je sors du cadre de la compétition. La callisthénie nécessite peu de matériel et c’est une discipline assez ludique pour développer sa condition physique.
C’est une évidence compte tenu de mon parcours personnel. J’ai pratiqué la gymnastique artistique en compétition pendant une vingtaine d’années. Puis, comme beaucoup de jeunes, je me suis mis aux arts martiaux (krav maga et aïkido). Aujourd’hui, en plus de la callisthénie, je suis passionné d’arts du cirque et pratique le monocycle et le rolla-bolla. En parallèle, je fais du tir à l’arc en compétition, ce qui n’a rien à voir. J’ai une passion pour le tir de parcours en forêt. Ça me permet d’être au grand air et de travailler mon mental.
J’ai débuté dans la gendarmerie pendant mon service militaire mais cela ne me correspondait pas, je me sentais trop brimé par le fonctionnement de l’armée. Je suis reparti dans le civil et j’ai choisi l’enseignement sportif.
– Et la musculation au poids de corps a intégré logiquement votre programme de coaching.
Dans mon activité de coach, je mixais musculation avec charges et musculation en poids de corps car il fallait parfois que je gère mes entraînements sans matériel. Mon objectif est la synergie des chaînes musculaires et non un découpage analytique du corps comme le culturisme. Il faut considérer le corps comme une unité !
– Et un jour vous avez décidé d’écrire un livre.
À force d’acheter des livres et de me rendre compte que cela n’était pas toujours ce que je recherchais, j’ai arrêté de me plaindre et j’ai décidé d’en écrire un. C’était il y a une dizaine d’années. J’ai écrit des manuscrits très standard. Mais cela touchait à trop de domaines et n’était pas assez ciblé. Les livres trop généraux ne se vendent pas. J’ai donc décidé de construire un livre avec la gymnastique comme base. Et je me suis rendu compte que j’avais développé toute une méthode avec mes clients à domicile. J’ai pu retranscrire cette méthode dans le livre. J’ai alors décidé d’abandonner complétement les charges et de proposer un contenu structuré dans le domaine de l’entraînement « poids de corps ». Les personnes qui veulent progresser dans ce domaine vont souvent sur internet ou achètent des magazines. Il y avait une possibilité de proposer un livre complet sur le sujet à travers la callisthénie.
– Comment faire pour se démarquer de ce qui existe en musculation « poids de corps » ?
Il y avait peu de livres en français sur le sujet sur le marché. L’ouvrage d’Olivier Lafay est très bien fait. Mais j’ai constaté sur les forums que l’on peut avoir l’impression de stagner après quelques années de pratique. Les pratiquants se redirigent parfois vers les disciplines avec charges. Ou alors, ils basculent vers d’autres disciplines comme le Street Workout qui est une partie de la Callisthénie, la discipline que je défends dans le livre. Ces deux disciplines sont souvent confondues sur les forums. La Callisthénie est pour moi accessible à tout le monde, du débutant à l’athlète confirmé. La base de la Callisthénie est de développer des qualités physiques et d’obtenir un corps esthétique car il y a quand même une part d’esthétique. La callisthénie est une discipline à part entière à l’origine d’autres activités comme le Street workout ou le Parkour. Même le Crossfit intègre des mouvements au poids de corps comme les muscle up ou handstand pushup. La callisthénie n’a pas de limites et peut intéresser tous les niveaux de pratique.
– Votre livre est l’expression de votre expérience de coach ?
J’ai été responsable pendant plus de dix ans sur des formations d’état avec des jeunes qui se destinaient à devenir coachs, j’ai eu des pratiquants purement en musculation traditionnelle, des pratiquants crossfit ou cross-training, des pratiquants Street Workout. Je me suis rendu compte qu’il leur manquait quelque chose pour progresser ou pour éviter certaines blessures. Je voulais donc apporter quelque chose de complet qui pouvait intéresser l’ensemble de ces personnes. Tous les corps d’armées, les pompiers et les gendarmes peuvent désormais s’entraîner avec ma méthode qui change un peu de ce qu’ils font habituellement.
– La base de votre méthode c’est la force et la mobilité ?
L’objectif est de développer la force et la mobilité avec des exercices au poids du corps en utilisant des engins que l’on peut trouver assez facilement à l’extérieur ou que l’on peut installer chez soi. L’objectif est de développer une condition physique complète à travers l’agilité, la puissance et l’équilibre.
– Il faut aussi du matériel. Mais il se trouve partout. On peut même l’installer chez soi. C’est pourquoi vous proposez un petit chapitre bricolage dans le livre.
Quand j’ai commencé comme coach à domicile, le frein c’était le matériel. Je ne pouvais pas transporter une barre olympique dans mon sac à dos. J’ai donc adapté le matériel que j’utilisais quand j’étais gymnaste. Je n’avais jamais fait de développé-couché ni de squats, mais j’avais sauté à la corde, j’avais fait des exercices avec un ballon gonflable. On peut réaliser tout un entraînement à domicile, dans la maison, le garage, le jardin, avec peu de matériel. On peut faire tenir chez soi, dans un mètre carré, toute une salle de gymnastique avec une paire de barres parallèles que l’on peut fabriquer soi-même ou que l’on peut acheter. Une barre de traction dans l’encadrement d’une porte, cela ne coûte pas cher. Le mobilier urbain a aussi évolué. Il y a tous les parcours santé et les zones de Street Workout qui se développent dans les villes. C’est à la mode chez les jeunes et on les retrouve dans les squares ou les parcs avec des infrastructures complètes.
– Vous proposez des techniques de préparation empruntées aux animaux avec des techniques d’entraînement qui rappellent des mouvements de base dans la mobilité.
Cela fait partie de l’échauffement d’un gymnaste. Les enfants qui pratiquent la gymnastique s’échauffent souvent en marchant en canard ou en crabe. Cela permet de développer sa motricité à travers des exercices ludiques. Marcher en crabe permet de développer le travail d’appui au niveau des bras pour apprendre à supporter le poids de son corps sur les épaules avant d’aller aux barres parallèles. J’ai repris ces exercices. Cela fait rire au début celles et ceux qui les réalisent. Ils se rendent compte ensuite que cela n’est pas si évident de réaliser ces techniques. C’est vite fatigant et on a des courbatures sur les muscles que l’on ne connaît pas encore. Il y a des cours collectifs aux États-Unis qui n’utilisent que des mouvements d’animaux. Cela permet de développer de nombreuses qualités physiques. Comme un militaire lorsqu’il effectue le parcours du combattant.
– Cela permet de développer l’ensemble du corps aussi ?
Un gymnaste doit envisager son corps comme un ensemble et il ne doit pas le découper en plusieurs parties avec le haut, le bas… Tout le corps doit fonctionner et se développer. Je me base sur une mobilité naturelle et fonctionnelle pour réaliser les gestes de la vie de tous les jours avec aisance. Je ne m’intéresse pas à une musculation découpée qui n’a pas d’intérêt à mes yeux. Et puis beaucoup d’athlètes comme certains culturistes n’ont pas une condition physique complète. En effet, ils ne développent pas de qualité d’agilité, de mobilité et d’équilibre.
– À qui s’adresse le livre ?
Le livre s’adresse à un ancien sportif qui faisait un peu de compétition quand il était jeune. Il s’est peut-être inscrit dans une salle mais cela ne lui convient pas. Il s’ennuie lorsqu’il doit se mettre sur un vélo et pédaler pendant des heures. Il a tous les jours une bonne excuse pour ne pas aller s’entraîner dans sa salle. Il voudrait faire un peu de pompes ou d’abdominaux à la maison mais il tourne un peu en rond car il est sans motivation ni objectifs. L’idée est de lui proposer un outil qu’il peut utiliser partout et qui pourrait le motiver sans avoir un coach en permanence derrière lui.
Il y a une grande majorité des exercices qui est réalisable à la maison. Mais il est possible d’aller plus loin avec des exercices qui demandent un peu de matériel. Je classe ces exercices en trois niveaux. S’il plafonne un peu, il va aller chercher du mobilier dans la salle où il est inscrit ou à l’extérieur en utilisant le mobilier urbain.
L’objectif n’est pas de ressembler à celles et ceux des magazines mais de retrouver la forme et la santé que chacune ou chacun connaissait plus jeune lors d’une pratique en club. L’intérêt est de réussir à se dépasser.
– Votre livre est très ciblé. Vous restez dans votre domaine sans explorer la nutrition, la préparation mentale…
Je reste dans mon domaine sans conseils nutrition, préparation mentale, etc. Je ne souhaite pas devenir un gourou du fitness comme il en existe beaucoup. Je ne citerai pas de noms mais ce que certains proposent ne m’intéresse pas. Je ne souhaitais pas déraper face à la demande des clients. Je ne pouvais pas être trop polyvalent car si on est formé en tout, on est parfois bon en rien. Il ne faut pas faire n’importe quoi !
Autant acheter les livres des spécialistes de chaque domaine qui publient chez Amphora. Ils sont les meilleurs et les plus crédibles. Les références dans tous les domaines sont chez Amphora, je suis donc très fier d’y être publié.
Le premier tiers du livre, j’explique au lecteur de manière très claire et simple comment fonctionne son corps. Il doit comprendre à quoi va servir le livre et les exercices. J’ai tout testé auprès de mes élèves et de mes clients. Un jour quelqu’un m’a dit de ne jamais donner tous mes secrets à mes adhérents. Quelques mois plus tard, une personne que je coachais et dont je ne connaissais pas l’activité professionnelle m’a fait un joli compliment. Je suis assez passionné par ce que je fais pour expliquer l’intérêt de tous les exercices et notamment les objectifs que l’on va atteindre d’un point de vue musculaire. Au bout de six mois, cette personne m’a confié être médecin. Il m’a dit que cela faisait six mois que je ne racontais pas de « conneries ». C’était un joli compliment. C’est sûr que contrairement à d’autres, je ne vais pas conseiller de manger un demi-ananas pour maigrir.
– Si l’on devait retenir un seul message ?
Le grand message du livre est simple : les gens essayent de s’entraîner pour s’identifier à une image comme dans un magazine, souvent retouchée. Se sentir bien dans son corps ne passe pas par cette image. Cela passe par un corps qui doit être fonctionnel, en plein forme et en pleine santé. Un corps qui n’est pas frustré parce qu’il doit monter un escalier. L’important c’est l’agilité et la mobilité de manière simple et naturelle.
Pour en savoir plus :
Callisthénie – La Musculation Globale
Antoine LOCURATOLO
Editions Amphora