Cross-Training et surentraînement : planifiez et bousculez les codes

De nombreuses personnes me demandent comment je fais pour ne pas sombrer dans le surentraînement aux vues des nombreuses séances d’entraînement que je partage avec vous sur les réseaux sociaux. Pour vous faire une idée précise de ma fréquence d’entraînement, sachez que je m’entraîne au moins 5 à 6 jours sur 7 avec parfois deux séances par jour en raison de mon activité professionnelle principale (Moniteur en Activités Professionnelles de Police). Tout ceci nous donne un volume d’entraînement de plus de 10 heures par semaine.

Est-ce trop ?
Pourtant, à l’approche de mes 40 ans, je n’ai jamais été aussi en forme et avide de défis physiques.
Lorsque vous apprendrez que je suis TRÈS loin d’être le seul à m’entraîner ainsi, et que ce type de répartition du volume d’entraînement consiste plutôt en une sorte de « norme » pour toute personne désirant performer dans cette discipline, vous aurez déjà démystifié cette boite à « fourre-tout » que constitue le concept de surentraînement.

Afin de durer et prendre du plaisir à pratiquer tous les jours, j’ai axé ma stratégie d’entraînement autour de deux axes distincts :

  1. Un axe « Technique » : planifier sa saison pour prévenir le surentraînement.
  2. Un axe « Philosophique » : ne pas (trop) s’écouter.

Dans cet article, je vais vous décrire ma vision d’entraîneur sur la planification annuelle de l’activité « Cross-Training », mais aussi ma façon de penser et de concevoir le mental du sportif, sans compromis ni complaisance avec les acteurs du sport de haut niveau en France.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est utile de définir certaines notions qui seront abordées dans cet article.

Le surentraînement

Le surentraînement est un état de fatigue aiguë qui entraîne une chute durable des performances. Ce syndrome est connu et reconnu par tous les acteurs du monde sportif et de la performance sportive.

Lorsqu’un athlète est en état de surentraînement, on retrouve généralement une ou plusieurs des causes suivantes :

  • une charge d’entraînement excessive (en volume ou en intensité) et/ou qui augmente trop rapidement ;
  • une récupération insuffisante, notamment à cause d’un manque de sommeil ou d’une alimentation inadaptée ;
  • un entraînement répétitif, monotone ;
  • une source de stress ou de fatigue extérieure (problèmes familiaux, professionnels, maladie, etc.) ;
  • dans certaines disciplines, une spécialisation trop importante.

À l’entraînement, deux signes principaux peuvent permettre de détecter le surentraînement :

  • une réduction durable des performances que les périodes de repos ne parviennent pas ou peu à endiguer. Le sportif est encore fatigué après un ou deux jours sans activité ;
  • une augmentation du rythme cardiaque pour un même effort et le matin au repos.

Par ailleurs, différents signes secondaires peuvent être observés, notamment :

  • des perturbations du sommeil, de l’appétit ou de l’humeur ;
  • une perte de motivation ;
  • une perte de poids ;
  • des infections et blessures plus fréquentes.

Planification

L’entraînement a pour but de développer les capacités requises et de rechercher la plus grande cohérence entre elles en fonction de la spécialité et des particularités individuelles. Planifier est donc essentiel pour réussir une saison sportive, mais aussi, pour prévenir et repousser au maximum le surentraînement… En tant qu’élément central de la construction de la forme sportive, la planification prépare et crée les conditions d’optimisation de l’étape suivante. Pour résumer, la planification renvoie à la gestion des différentes étapes de construction de la forme sportive (étapes ou cycles d’entraînement).
La programmation concerne la stratégie d’exécution (élaboration des contenus) des opérations de planification. Me concernant, la planification relève de la tâche exclusive de l’entraîneur, la programmation pouvant être élaborée (toujours avec l’accord de l’entraîneur) par un entraîneur adjoint ou un responsable de la préparation physique.

IMPACT CROSS-TRAINING - Christophe Pourcelot

Le « Cross-Training »

Le terme de « Cross-training » est un terme généraliste.
Il désigne uniquement le fait qu’au sein d’une même séance, plusieurs activités sportives ou plusieurs qualités physiques seront travaillées de façon cumulative.
Dans l’ouvrage « La méthode IMPACT » coécrit avec Frédéric Mompo en 2010, je lui donnais la définition suivante : « L’activité « IMPACT Cross-Training » vise l’amélioration harmonieuse des différentes qualités physiques du sportif, l’amélioration de la santé du pratiquant et le développement de l’efficience motrice pour tous les mouvements de la vie quotidienne. « ICT » est une activité physique et sportive exploitant le principe de l’entraînement croisé des qualités physiques et des activités sportives au sein d’une même séance. »

De façon plus concrète, le répertoire technique de l’activité fait très largement appel aux mouvements issus de l’haltérophilie, la gymnastique et l’athlétisme.
De nombreuses activités comme la force athlétique, les « Strongman », l’aviron (rameur) et certains exercices issus de la culture « musculation » composent également le panel des exercices proposés.
La séance type étant une séance où la vitesse, la force et l’endurance ont été sollicitées sans négliger les qualités de coordination et d‘équilibre. Le tout de façon ludique bien entendu !

Mon premier axe : planifier la saison

L’activité « Cross-Training » est en quelque sorte le décathlon de l’athlétisme ou le MMA des sports de combat !
Impossible de cerner complètement cette activité puisqu’en perpétuelle évolution et sans limite d’expansion…
Reste que vous devez composer avec l’essentiel : que vous pratiquiez de l’ICT, du Crossfit, du fonctionnal training ou autre terme désignant l’entraînement croisé des qualités physiques, il faudra axer vos entraînements sur le développement des qualités de :

  • FORCE ;
  • VITESSE/PUISSANCE ;
  • ENDURANCE(S).

Depuis maintenant plusieurs années, je considère que les stratégies de transformation différée ou même de type « ondulatoire » ne sont pas les plus adaptées. Je préfère largement le concept de transformation permanente en trois étapes cumulatives et évolutives.
Je ne vais pas justifier dans cet article le bien-fondé de mes 3 étapes (Puissance/Vitesse, Force et Body-Shape). Je renvoie le lecteur à l’achat de mon dernier ouvrage « 100% Cross-Training », aux éditions Amphora bien entendu.
Je vais en revanche vous exposer (sans trop détailler pour des raisons évidentes de loyauté envers les personnes que j’entraîne) ma façon de planifier une saison complète pour un compétiteur de haut niveau.

Je me base sur la fréquence d’entraînement suivante :

  • 6 séances hebdomadaires ;
  • sur ces 6 séances, 3 auront des visées « nerveuses et métaboliques », ce sont les séances « classiques » en 3 phases ;
  • 2 seront plus axées sur la technique ;
  • enfin, 1 séance sera exclusivement réservée au développement de la puissance maximale aérobie et de la capacité lactique (séance que je nommerai, pour plus de convenance, « séance TABATA » bien que ce procédé ne sera pas exclusif au cours de cette séance évidemment).

Voici comment je répartis l’importance des phases qui composent les séances classiques durant la saison :

SEPTEMBRE/OCTOBRE/NOVEMBRE

Force : 60 %
Puissance : 25 %
Body-Shape : 15 %

Cette période de 3 mois est fondamentale pour l’acquisition de la force générale, sans négliger le travail cumulatif de la puissance (j’y inclue la vitesse et l’explosivité) ainsi que l’endurance à travers la réalisation d’au moins 1 « Body-Shape » au minimum par séance.

DÉCEMBRE

Force : 70 %
Puissance : 15 %
Body-Shape : 15 %

Première période de congés, il faut néanmoins insister sur le développement de la force, après il sera trop tard.

JANVIER/FEVRIER

Force : 40 %
Puissance : 40 %
Body-Shape : 20 %

C’est la période du travail en « contraste » ! Travail « stato-dynamique », « lourd-léger », complexe haltérophile et transfert de force en tout genre (exemple : soulevé de terre lourd, enchaîner sur 5 « brassées » dynamiques de grimpée de corde).

MARS/AVRIL

Force : 50 %
Puissance : 25 %
Body-Shape : 25 %

C’est le début de la phase des compétitions en général.
On réoriente un peu plus sur la force, mais on harmonise sur le reste.
Sur ces deux mois, il faut être le plus complet possible.
En fonction du type de « Body-Shape », on peut passer à 2 en fin de séance.

MAI/JUIN

Force : 30 %
Puissance : 20 %
Body-Shape : 50 %

Période compétitive pour les crossfiteurs, on travaille de façon bien plus spécifique avec beaucoup d’efforts lactiques.

JUILLET

Force : 10 %
Puissance : 40 %
Body-Shape : 50 %

On « découpe » l’athlète en profitant des deux mois très « métaboliques » qui ont précédé. L’athlète est très affûté mais commence à perdre en indice de force maximale.

AOUT

Période estivale. Pas de coupure totale de plus de dix jours mais on reste sur des séances de régénération musculaire et tendineuse. C’est aussi l’occasion de découvrir d’autres activités sportives. Séances courtes (30′) et plutôt intenses (sprint en côte par exemple) s’alternent avec des footings de moins de 40′ et beaucoup d’étirements.

IMPACT CROSS-TRAINING - Christophe Pourcelot

Les séances « techniques » se placent entre les séances « classiques ». Elles s’orientent sur le travail d’une technique en haltérophilie plus une autre issue d’un univers différent (grimpée de corde, sprint, squat, saut, muscle-up aux anneaux). Ces séances sont systématiquement clôturées par des étirements. Elles sont relativement courtes et ne doivent pas trop puiser dans l’organisme de l’athlète.

Mon second axe : ne pas s’écouter et prendre beaucoup de recul avec la littérature

Cet axe de réflexion se veut plus personnel, n’en déplaise à certains.

J’adore la moto, pour autant je peux clairement affirmer que je n’exploite pas 60 % des possibilités qu’offre ma machine actuellement. Ma moto ne dispose pas d’assistance électronique ! Suis-je la personne qui peut le mieux se rendre compte de toutes les possibilités qu’offre ma machine actuelle ? Assurément non… Et c’est exactement la même chose avec le surentraînement !

Trop de personnes se sentent « fatiguées » car elles ne parviennent pas à franchir un cap au niveau des performances. Si l’on y rajoute un début de tendinite, le tour est joué… ils sont « surentraînés » ! Ces personnes connaissent-elles vraiment leur potentiel physique, leur force intérieure et leur faculté à résister à la douleur physique et psychologique ?
Je suis désolé de dire ceci en tant qu’entraîneur mais je pense que de nombreuses personnes non sportives (ouvriers, manutentionnaires, médecins urgentistes et infirmières et bien d’autres encore) qui travaillent dur tous les jours (physiquement et émotionnellement) ont bien plus de mérite et se plaignent beaucoup moins de leur état de fatigue que certains sportifs de haut niveau disposant, quant à eux, de tout le luxe en matière d’hygiène de vie.
Sachez que, lorsque vous vous entraînez dur, un autre athlète au bout du monde s’entraîne deux fois plus dur que vous…

Le surentraînement est un phénomène réel et quantifiable. Il survient souvent à cause des entraîneurs qui imposent trop de stress (physique et mental) à des sportifs non préparés. En revanche, le terme est bien trop largement utilisé à tort.

Oui, l’activité « Cross-Training », tout comme bien d’autres, nécessitent un volume d’entraînement conséquent. Mal exploité, il peut conduire au surentraînement. Bien planifiées et abordées tous les jours avec un esprit de gagnant qui ne s’écoute pas, 10 à 12 heures d’entraînement hebdomadaire vous paraîtront presque comme un luxe en rapport avec ces ouvriers des chantiers que vous croisez tous les jours dans la rue…
Je pense également que notre culture « scientifique » de l’approche de la performance sportive ne facilite en rien notre vision du surentraînement. La vision « anglo-saxonne » me semble bien plus en phase avec ma conception du sport. C’est mon côté « Philippe Lucas » qui parle, mais je l’assume. Lorsque les athlètes de haut niveau n’auront plus de cadres techniques des sports mis à leur disposition gratuitement par des fédérations qui se complaisent dans un système d’entraînement si particulier (non je ne fais pas du French bashing), ils comprendront alors la nécessité d’arrêter de se plaindre et de regagner l’esprit combatif qu’ils avaient à leur début.

Pour affiner vos recherches, je vous conseille les ouvrages suivants :

Crédit photos : © Denis Boulanger

Laisser un commentaire