Un coach polyvalent, capable d’apporter des solutions à son athlète ou à son équipe dans de nombreux domaines grâce à des compétences élargies, c’est l’idée que défend Pierre-Yves Roquefere dans son livre « Coach 3.0 Spécialiste Performance » publié aux éditions Amphora. Un ouvrage technique, complet, mais aussi militant, écrit par un adepte de la polyvalence et de l’apprentissage permanent. Une approche qui amène le coach d’aujourd’hui vers la gestion de la performance de demain.
– C’est un livre très complet. D’où est venue l’idée de ce livre ?
C’est un peu comme dans le secteur médical en France. Pour l’œil, il y a l’ophtalmo, pour le cœur on va voir le cardiologue… alors qu’un médecin avec une approche plus « orientale » pourrait répondre à tous ces besoins en faisant le lien entre tous les organes, comme le fait l’acupuncteur dans son approche. C’est ce concept que je propose dans le livre. Le coach 3.0 doit être en mesure de répondre aux attentes assez vastes des sportifs ou du staff d’encadrement.
– Votre approche se base sur l’exemple d’un généraliste spécialisé dans de nombreux domaines ?
Cette nouvelle approche très complète serait une excellente idée. Elle permettrait aussi de faire évoluer le métier pour une professionnalisation plus transversale, donnant au coach plus d’issues professionnelles.
Actuellement il y a tous ces titres qui existent : le préparateur mental, le préparateur physique, le coach en cross-fit… Pour moi c’est une réalité de « victimes des modes ». Il devrait y avoir une seule et unique formation avec une colonne vertébrale solide, aux fondamentaux repensés intégrant la maîtrise des outils technologiques.
Actuellement, le sportif ne sait plus vraiment qui fait quoi au milieu d’une « profession mille-feuille » : préparateur, entraîneur, coach, etc. Tout le monde peut faire n’importe quoi sans être réellement contrôlé.
Que cela soit pour la compétition, la santé, l’esthétique ou le loisir, la rencontre entre un coach et un sportif est essentielle. Le coach est comme un professeur de collège, de lycée ou d’université. Idéalement, il donne davantage que sa propre matière. Il a une capacité à faire le lien entre cette manière qu’il maîtrise et plusieurs autres domaines pour donner un sens concret et compréhensible à l’élève. Une forme de transversalité utile dans la vie.
– Le Coach 3.0 est donc un coach polyvalent.
Exactement. Un coach 3.0 doit être pointu, polyvalent, pour pouvoir se permettre, lorsqu’il regarde évoluer un sportif, d’avoir un prisme suffisamment complet. Par exemple, si un joueur de tennis à Roland Garros perd le point, son coach 3.0 doit pouvoir instantanément en analyser les causes énergétiques, musculaires, techniques, tactiques et psychologiques. Son prisme doit être transversal et instantané pour apporter une analyse rapide et donner le conseil qui fera la différence.
Cela ne sert à rien de commenter façon groupie comme on le voit souvent par des « Vas-y, c’est bien ! Vas-y, c’est bien ! ». Mieux vaut être précis et parler au sportif de vitesse, de force, de bras gauche ou de garde pour un sport de combat. Le coach 3.0 sait évidement hiérarchiser ses conseils et son diagnostic.
Le coach 3.0 est ce professionnel du sport suffisamment formé et expérimenté.
– Peut-il être expert de tous ces domaines ?
Je ne sais pas s’il peut être expert dans tous les domaines mais il doit essayer d’aller dans ce sens. Il ne se cantonne pas qu’à la technique et au physique. Il gère aussi la relation humaine, la préparation psychologique ou mentale… donc oui, il doit éviter de se faire enfermer dans une seule technicité s’il veut progresser et être efficace.
– Les spécialistes défendent souvent l’importance de l’expertise dans chaque domaine bien séparé. Votre avis n’est pas partagé par tout le monde ?
Se diversifier est d’abord un moyen d’évoluer professionnellement, d’être meilleur.
Les coaches le font souvent instinctivement dans les petites structures faute de moyens. Ils doivent gérer tous les bobos, parler technique, analyser une vidéo, dispenser des conseils techniques, réconforter psychologiquement, etc.
J’ai dû personnellement le faire plusieurs fois sur des championnats internationaux et cela a très bien fonctionné, même si cela demande un réel investissement.
Il faut, dans tous les épisodes de la vie, continuer à apprendre sans jamais rester cloisonné. D’ailleurs le Coach 3.0 doit rester à l’affût de toutes les nouveautés par une curiosité intellectuelle bien aiguisée et une capacité d’adaptation permanente. On peut occuper un poste avec une dominante importante, mais toujours chercher à comprendre et avoir un avis sur les autres secteurs transversaux de son environnement de performance.
– Pourquoi 3.0 ?
3.0 signifie le futur proche en langage technologique. Aujourd’hui, nous sommes donc au 2.0. en termes de degré de performance technologique et nous amorçons très vite le 3.0, l’étape suivante.
Dans le 3.0, je suis persuadé que le pilotage technologique va être de plus en plus important ainsi que le partage et la quantité de données à traiter.
Il est donc essentiel que chaque membre d’un staff comprenne et partage ce que fait l’autre. Aujourd’hui, nombreux sont les dirigeants qui ne comprennent pas ce que font les acteurs des cellules « performance ». Certains en profitent d’ailleurs pour se poser en expert et prendre du pouvoir sur ceux qui maîtrisent peu la technologie.
Aux États-Unis, en NFL, les staffs sont très étoffés, et les statisticiens codifient les actions technico-tactiques en permanence. Ces gars-là ont le pouvoir parce qu’ils apportent une analyse rationnelle, mais attention, un bon statisticien doit savoir aussi retourner vers le terrain, ne serait-ce que pour voir si ce qu’il déduit fonctionne concrètement. Aujourd’hui, peu d’entraîneurs comprennent ce qu’est une matrice, un algorithme. Cela n’est pas normal. Car sait-on jamais, les technologies ayant tendance à se rapprocher de plus en plus des facultés humaines, elles commettront certainement un jour des erreurs, et seuls ceux qui auront pris la peine d’appréhender leur fonctionnement seront capables de les anticiper et de prendre des décisions contraires, en toute connaissance de cause. Le garde-fou humain.
– Le coach 3.0 doit aussi comprendre les données recueillies pendant un match, une épreuve ou un combat ?
Exactement ! J’en ai parlé avec plusieurs membres de staff qui m’ont confirmé qu’ils n’utilisaient en effet que 10% des données récoltées, faute de temps. Il n’y a pas de vraie réflexion sur le sujet. Je pense, par exemple, que sur une analyse vidéo d’épreuve, de match ou de combat, on doit aussi être capable de décortiquer les paramètres énergétiques et musculaires. L’exemple des capteurs sur les joueurs de football est assez révélateur. On s’aperçoit que le joueur a couru 11 km pendant le match, fait un nombre précis de passes. C’est bien mais on en fait quoi de cette information ? Quelle est l’incidence sur l’entraînement suivant ?
– Pourquoi revenir sur le lexique sportif ?
Il est temps de vulgariser tous ces concepts. Quand je dis aux sportifs : « On est proches de l’objectif » ou « on est dans l’objectif », ils comprennent. Je mets des codes couleurs en fonction de l’intensité : 80% ou 90% de VMA par exemple. En rouge, le sportif saura que c’est du lactique, Orange que c’est de l’alactique et bleu de aérobie.
Prenons un exemple parmi d’autres, celui de la planification. Quand j’évoquais les termes de PPG, de PPA, de microcycle, mesocycles, etc. Lorsque j’ai pris en charge les équipes de France en 2007, j’ai expliqué aux sportifs leur planification. Il y en a plusieurs qui m’ont demandé ce qu’était la PPG. Je leur ai dit que cela voulait dire Préparation Physique Générale. Ils ne comprenaient toujours pas pourquoi parler uniquement de physique alors qu’ils s’entraînaient aussi techniquement… Je ne parle même pas des micro, méso, qui étaient pour eux à des années-lumière de leur dialecte.
– Quel est le grand message du livre ?
Le grand message du livre est simple : pour pouvoir s’adapter à tous les sportifs, à tous les sports, à toutes les nouvelles technologies, il faut élargir son champ de compétence tout le temps.
Il faut évoluer, parce que certains métiers n’existeront plus dans 5 ou 10 ans et il est essentiel d’être curieux en permanence, de ne jamais complexer. Un peu comme un enfant qui va à l’école et qui apprend plein de matières différentes pour acquérir une culture et une force de caractère telles qu’il pourra s’adapter à tout, tout le temps.
Le message du livre est donc que la méthode proposée donne au coach 3.0 une logique de fonctionnement lui permettant d’agréger de multiples connaissances tout en préservant l’humain, qui doit absolument maintenir un temps d’avance sur le progrès technologique pour en garder le contrôle.
Plus d’infos :
Coach 3.0 – Le spécialiste Performance.
Pierre-Yves ROQUEFERE
Editions Amphora