Interview de Cyril Ravilly – Tennis Les Fondamentaux tactiques

Transformer de courtes défaites en victoires étincelantes. C’est la promesse faite par Cyril Ravilly à travers les pages de son livre intitulé « Tennis – Les Fondamentaux Tactiques. Comment gagner aujourd’hui les matchs que vous auriez perdus hier ». Un livre publié aux éditions Amphora. Cet expert en management et en stratégie vous propose de compenser un déficit technique ou physique par l’intelligence de jeu. En clair, il suffit de développer son sens tactique pour remporter des matchs que certains perdent depuis trop longtemps sur des détails.

Cyril Ravilly est le premier auteur à proposer une dimension tactique dans la progression en tennis. Une méthode unique issue de plusieurs décennies d’analyse de match et d’expertise. 

– Cyril, quel est votre parcours en tennis ?

J’ai un parcours très modeste en tennis. J’ai été 15/3 lors de mes jeunes années. Cela commence à dater. Je suis un joueur très modeste. Mais aujourd’hui, je joue une à deux fois par semaine. Je suis notamment le sparring-partner du numéro un mondial en fauteuil Stéphane Houdet. Mais je n’ai jamais fait beaucoup de tournois dans ma vie. Ce que je préfère, ce sont les matchs par équipes lors des interclubs. Le double compte pour quelque chose, il y a du coaching, il y a un esprit d’équipe. C’est la Coupe Davis des villages. Un vrai plaisir !

– Pourquoi proposer un livre sur la tactique et la stratégie ?

Il y a deux ans, j’enseignais le tennis à mon épouse, et je me suis dit que ce que j’enseignais, aucun professeur ne l’enseignait. Les cours de tennis dans les clubs se concentrent sur le volet technique voire physique mais très rarement sur le volet stratégique. Le physique et la technique ne sont qu’une solution. C’est difficile d’améliorer le niveau de chacun sur le plan technique surtout lorsque l’on avance en âge. Il vaut mieux se demander ce que l’on peut faire avec notre propre jeu, avec nos propres qualités et défauts. La tactique est un domaine dans lequel il existe une grande marge de progression à tout âge !

Je vais vous donner un exemple. Plutôt que de taper fort et de commettre des fautes, il vaut mieux trouver une zone qui va nous permettre de taper de manière plus précise dans la balle et où l’on fera moins de faute. Progresser dans la tactique et la stratégie, c’est jouer plus intelligemment avec notre propre jeu et en mettant notre adversaire en difficulté. On peut, avec notre jeu, bonifier notre résultat grâce à  une approche plus pragmatique. C’est la boîte à outils qui permet d’optimiser son jeu avec son potentiel actuel.

– Manager, définir une stratégie, c’est une seconde nature pour vous !

Effectivement ! Je passe beaucoup de temps devant du tennis depuis que j’ai 5 ans. Regarder, comprendre, coacher et voire comment on peut optimiser son jeu est un objectif permanent chez moi. Lorsque je joue au tennis, mon adversaire va courir beaucoup et se fatiguer… Je vais toujours chercher à le mettre en difficulté. Il y a des joueurs sur le circuit qui utilisent cette stratégie en fonction de leurs qualités athlétiques, techniques…

J’adore Gilles Simon. Lorsque je le regarde à la télévision et notamment à Roland Garros, je m’amuse pendant les échanges à bloquer l’image de la télévision en me demandant « si j’étais à sa place, où je jouerais ? Quel choix je ferais ? » J’arrive à deviner ce qu’il va faire à chaque fois. Gilles Simon, qui est un joueur que j’apprécie beaucoup, n’a pas de service, pas de coup droit, pas de revers, pas de toucher, mais il est toujours entre la 6ème et la 15ème place au classement mondial ATP parce qu’il est malin. Il arrive à faire déjouer l’adversaire. Il n’a pas la capacité athlétique d’un Rafael Nadal ou d’un Milos Raonic qui sont des monstres sur le plan physique. Mais il arrive à faire quasiment jeu égal avec eux.

– C’est un peu comme Fabrice Santoro, il y a plusieurs années.

La différence avec Fabrice Santoro, c’est que Santoro avait un toucher de balle remarquable. Gilles Simon n’a pas ce toucher de balle. Quand son adversaire lui fait une balle courte, il est très ennuyé. Il ne sait pas vraiment comment la jouer. Alors que Fabrice Santoro était capable de jouer un contre-amorti. Il avait des coups assez fabuleux. Avec ses deux mains, il était capable de tout réaliser.

Gilles Simon a un potentiel technique différent mais malgré tout, il va jouer long pour éviter que son adversaire ne le mette en danger. Il va s’en sortir parce qu’il est plus intelligent que la moyenne des joueurs du circuit mondial. Nadal ou Djokovic ont également un jeu très intelligent. Djokovic est capable de tout faire, de changer son jeu en cours de partie. Il a une réelle réflexion tactique !

– Mais Novak Djokovic peut aussi se tromper de tactique ?

Effectivement ! En Australie en début d’année, il joue en huitièmes de finale face à Gilles Simon. Djokovic veut s’économiser en vue des tours suivants. Gilles Simon le place dans une situation où il doit attaquer pour prendre le match à son compte et gagner la rencontre en trois sets. Gilles Simon se moque de la durée du match. Il est déjà en fin de tournoi. Et face à Simon qui joue long et au milieu, Djoko est obligé de prendre des risques. Il sait que s’il renvoie long et au milieu, le match va durer longtemps. Et le match a duré longtemps parce que les risques qu’il a pris l’ont conduit à commettre des fautes.

– Et Gilles Simon l’a dit à la fin du match face à Djokovic : «J’ai essayé de l’emmener là où j’avais envie de l’emmener. Cela a marché pendant presque tout le match, mais au 5ème set, il a réussi à en mettre un peu plus, à réussir les bons coups. »  

Donc Novak Djokovic était obligé de prendre des risques et il a commis beaucoup de fautes. Il avait toujours un set d’avance donc il n’a pas vraiment été mis en danger mais il est resté 4 heures et 40 minutes sur le court pour une victoire en 5 sets (6-3, 6-7, 6-4, 4-6, 6-3).

– C’est l’idée d’appliquer au tennis, sport individuel, ce qui se passe dans les sports collectifs à travers la stratégie. 

Exactement ! Dans les sports collectifs, on voit les entraîneurs qui développent des schémas tactiques. Le tennis devrait être beaucoup plus tactique que le football. Et en plus, il faut le faire seul sur le court car personne ne peut nous dire ce que l’on peut faire. La solution est en chacun et chacune !

Il n’existe aucun livre qui parle de stratégie en tennis. Il n’y a aucun livre en français ni dans le monde. Alors qu’il y a beaucoup de livres sur le mental ou sur la technique. Il y avait un vrai manque !

– Quelles sont les qualités essentielles en tennis ? 

Le tennis c’est 4 éléments : la technique, la tactique, le mental et le physique. Pour la technique, on prend des cours. Une amie à moi prend des cours régulièrement depuis quatre ans et elle est parvenue à être 30/1 au bout de quatre ans. C’est bien mais c’est lent. Pour le mental, on peut faire un peu de yoga, de sophrologie… mais avant d’être solide sur les points importants, c’est long et compliqué. L’investissement personnel est très important avant d’en voir les bienfaits, avant de voir un impact en match. Le physique, c’est très long avant qu’il ne se produise un impact en plein match. Sauf si vous partez de zéro sur le plan de la condition physique. Et sauf si le match dure très longtemps.

En revanche, en ce qui concerne la tactique, tous les joueurs peuvent progresser afin d’éviter de perdre le point tout seul. Les joueurs et les joueuses de tennis se mettent en danger par leurs placements… Ils perdent ainsi bêtement 15 % de points. Il faut savoir que les matchs qui se terminent en 2 sets sur un score serré de 6-4, 6-4, se jouent sur 10 % des points. Le livre va leur permettre d’inverser la physionomie d’une rencontre et de gagner des matchs qu’ils auraient perdus.

Grâce au livre, ces matchs deviennent des victoires plutôt que des défaites. C’est assez simple ! Concrètement, des personnes m’ont affirmé qu’après la lecture de mon livre, des matchs qu’elles perdaient avec peu d’écart, elles les gagnent aujourd’hui !

– Comment appliquer le contenu du livre ? Il faut intégrer les conseils pour les appliquer ? 

Oui, et c’est simple. Si vous ne faites qu’appliquer les 10 règles de base que je propose, vous n’avez pas besoin de deux heures ! Dix minutes suffisent !

Exemple : en défense, si vous jouez long et en hauteur, vous sauverez beaucoup de points. Si vous jouez mi-court et le long de la ligne, le coup d’après vous vous faites massacrer ! Même au niveau professionnel, quand il y a une balle courte et que l’on ne veut pas attaquer parce que le joueur est trop en retard, la plupart des joueurs professionnels jouent assez long et rasant pour monter ensuite à la volée. Mais les joueurs ne gagnent le point que dans un tiers des cas. Parce qu’ils commettent souvent une faute. Soit leur balle va prendre la bande du filet. Soit elle est trop longue avec l’effet « Magnus ». Soit elle est trop courte et l’adversaire en face conclut le point. S’ils arrivent au filet sur une balle qui n’est pas rapide et qui ne met pas l’adversaire en difficulté, ils ont peu de chances de gagner le point. Le volleyeur se fait donc passer sur un lob lifté ou un passing lifté. Donc c’est un coup qui est souvent perdant. Mais les joueurs continuent à le faire.

– Alors que faire ?

Et bien autant faire un amorti. La balle voyage peu et l’adversaire est à son tour dans une situation difficile. On inverse ainsi les rôles. Les statistiques sont meilleures. Je ne dis pas qu’il faut le faire tout le temps parce l’adversaire va ensuite anticiper systématiquement et le jeu est aussi basé sur la variété. Même au niveau professionnel, les joueurs commettent des erreurs dans leur schéma de jeu.

– Tout n’est pas robotisé.

Oui, c’est comme avec le service. Il existe 27 types de services différents. Même Novak Djokovic a de meilleures statistiques lorsqu’il joue un deuxième service sur le coup droit de son adversaire plutôt que sur son revers parce qu’il le surprend. Un service slicé sur le coup droit lui offre davantage de chances de gagner le point.

– La clé, c’est la statistique ! Les statistiques vous permettent d’alimenter votre vision tactique du tennis.   

Le tennis moderne va rentrer encore plus dans l’ère du Big Data, avec un traitement intelligent des données. Certains sports collectifs comme le volley-ball et le basket-ball le font depuis longtemps. L’analyse statistique du jeu est importante dans le monde du sport, mais pas encore dans le tennis. J’ai d’ailleurs intégré dans le livre la théorie des jeux des économistes pour offrir une vision la plus large possible avec des indicateurs de balistique, de trajectoire, de géométrie, de mathématiques… Les autres sciences peuvent nous apporter beaucoup dans la définition de la tactique au tennis.

– Il y a une déclinaison avec le tennis féminin et le tennis en fauteuil. 

Oui et je parle de tous les tennis dans mon livre.

– La tactique permet donc de compenser des carences, un déficit technique et physique par la tête.

Le livre s’adresse d’abord aux compétiteurs. En amical, tout le monde est capable. Il n’y a pas de pression. Il est possible de tenter des tactiques et des stratégies à tout moment. Dans la préface, Patrick Mouratoglou, qui est aujourd’hui le coach de Serena Williams, affirme qu’avec une bonne tactique, on peut gagner 3 ou 4 niveaux. Mais il ne faut pas que l’autre soit trop fort. Si vous perdez 6-0, 6-0 face à un adversaire, cela n’est pas un problème tactique. Mais si vous perdez au tie-break à tous les sets, le livre va vous aider à gagner des matchs que vous perdiez auparavant. À titre personnel, je pense n’avoir jamais aussi bien joué au tennis de ma vie qu’aujourd’hui.

Propos recueillis par Eric COUTARD.

Pour En Savoir Plus :

Tennis – Les Fondamentaux Tactiques

Cyril Ravilly

Editions Amphora

A936

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