Rien ne serait arrivé sans une rencontre fortuite avec un âne. Car c’est un accident avec un âne qui contraint Laurence Grard-Guénard, il y a quelques années, à prendre le temps de se lancer dans l’aventure de l’écriture. Durant sa convalescence, cette enseignante d’équitation prend le temps de contacter les éditions Amphora pour proposer la publication d’un manuel d’attelage. En 2008, paraît « Les Fondamentaux de l’Attelage ». Depuis, plusieurs livres ont complété cette collection et notamment « Manuel d’Équitation pour les Enfants – Préparation aux Galops 1 à 4 ». Si, dans un premier temps, elle a « maudit » cet âne à l’origine de sa convalescence, elle l’a depuis remercié pour cette douloureuse mais décisive rencontre.
– Vous transmettez votre expérience dans ce livre à travers une pédagogie claire et précise. Comment avez-vous adapté votre pédagogie aux enfants à qui s’adresse votre livre ?
J’ai adapté ma pédagogie depuis ma propre expérience. D’abord en tant que cavalière curieuse puis en tant qu’enseignante ayant envie de transmettre. J’ai cherché à m’adapter aux récepteurs pour transmettre des contenus et les étoffer pour qu’ils soient plus faciles à retenir. Il y a toujours un petit quelque chose qui va interpeller l’enfant et qui va lui permettre, par association, de retenir une idée directrice. L’équitation est un loisir ! Les enfants ne doivent pas être contraints d’apprendre par cœur ! En revanche, il est très facile pour eux de retenir si on leur propose quelque chose qui suscite leur intérêt ou qui les amuse.
Le livre rencontre un très beau succès depuis sa parution. Les retours sont très sympas ! Les enfants aiment beaucoup le livre et les parents sont ravis que les enfants se plongent dans la théorie sans qu’ils aient à les obliger. Quant aux adultes cavaliers, ils avouent adorer aussi cette présentation ludique. A priori, le ludique convient à plusieurs publics.
– À la lecture de vos pages, on comprend qu’il existe une différence entre le poney et le cheval.
Il n’y a pas de grandes différences entre un poney et un cheval. Les poneys sont quelques fois moins respectueux car leur dressage est moins poussé. Les adultes ne peuvent monter dessus et les poneys font beaucoup de petits niveaux. Quoi qu’il en soit, leur fonctionnement et leur santé sont identiques.
-Quelles sont les grandes particularités du Poney ?
Aborder un poney ne peut pas être résumé en quelques mots. Il y a des techniques, des précautions à prendre, mais comme avec tous les animaux, un savoir-être. La pratique et un bon conseiller sont indispensables pour éviter les erreurs comme faire peur ou mal au poney et déclencher une réaction de défense (coup de pied, morsures). Savoir être, c’est aussi se faire respecter et respecter l’animal, qui ne doit pas bousculer un enfant lors de la préparation à pied par exemple. Ces nouveaux Galops, à travers l’approche à pied, c’est vraiment une bonne idée car beaucoup de cavaliers ne sont pas très rassurés lors des manipulations à pied, même lorsqu’ils ont un bon niveau à poney. Cela peut créer des incompréhensions et même parfois des gestes brutaux de la part de l’enfant, alors qu’il suffit d’apprendre et d’écouter son poney.
– On a l’impression à la lecture de vos pages qu’il est essentiel d’être concentré en permanence sur sa relation avec l’animal.
Concentré en permanence n’est pas le terme juste. Concentré c’est trop appliqué. Il faut être en relation avec l’animal. Il faut se laisser le temps de sentir, expérimenter, essayer, se tromper, recommencer, être dans le juste mais surtout dans une relation ouverte et honnête avec l’animal. Être rigoureux, appliqué, concentré n’est pas suffisant pour communiquer, il faut aussi une âme. Il se passe des choses extraordinaires parfois entre les enfants et les poneys parce qu’ils se fichent du regard des autres et se construisent une bulle avec un poney particulier. Ils entrent vraiment en relation avec lui. Ils ont le feeling et des couples improbables peuvent même se former. C’est magique et toujours aussi stimulant d’assister à cela.
– Quelles sont les clés pour progresser dans sa pratique de l’équitation, dès les premiers Galops ?
Pour progresser, il faut de la régularité. Le rythme scolaire, c’est-à-dire avec une séance hebdomadaire, est suffisant jusqu’au Galop 4 en incluant quelques stages qui permettent, soit de faire un bond en avant, soit de débloquer une situation particulière.
À partir du Galop 5, avec une séance par semaine, il est commun d’entendre dire que le cavalier ne fait que de l’entretien. Il faut augmenter ses heures de pratique pour aborder les niveaux supérieurs, comme cela semble logique dans tous les sports. La progression dépend aussi beaucoup du contenu des cours. La pédagogie active, c’est bien, mais n’utiliser qu’elle, c’est lent et surtout, les essais, voire les erreurs, peuvent être pénibles pour les animaux. Ils coopèrent plus ou moins et l’apprentissage est bloqué, car le poney est aussi un professeur, en tout cas, le collègue le plus important du moniteur.
– La relation avec le poney ou avec le cheval offre-t-elle des repères en matière de respect auprès des plus jeunes ? Est-ce une forme d’éducation à travers la responsabilisation des jeunes face au poney ?
L’histoire de respect, c’est compliqué. Certes le poney, le cheval, les animaux en général, sont des vecteurs de respect, mais cela dépend aussi de l’adulte qui les encadre et qui montre ou pas l’exemple. Il n’est pas rare de croiser des gens brutaux auprès des équidés, et cela même dans les centres équestres. C’est peut-être tabou de le dire publiquement, mais certains palefreniers, certains maréchaux ne sont pas tendres : coups de fourches, coup de mailloche ou de pince dans le ventre ou ailleurs des coups de poings…
Il m’est arrivé d’avoir des poneys terrorisés par les adultes ou par toute silhouette de plus d’1 mètre 60. J’étais obligée de m’accroupir pour les approcher jusqu’à ce qu’ils me reconnaissent par l’odeur et la voix. Les enfants pouvaient les approcher sans aucun problème. C’est compliqué de donner des cours à des poneys qui ont peur de nous ! On ne peut pas venir rassurer un enfant sans envenimer la situation.
Alors, oui, le poney offre l’occasion de se responsabiliser par rapport à un animal, d’apprendre le respect, d’observer, de s’adapter, d’avoir l’esprit ouvert vers la communication. Il faut que le respect soit montré et enseigné par l’adulte qui sert d’exemple. Les enfants apprennent à prendre soin de lui avant de l’utiliser mais aussi après. Ils acquièrent des réflexes soucieux lors de comportements inhabituels… Ils prennent soin de leur compagnon.
– Quelle est la différence importante entre un ou une jeune qui pratique l’équitation et les autres ?
Je ne dirais plus qu’il y a une différence entre les jeunes qui pratiquent ou pas l’équitation. C’était peut-être vrai il y a quelques années. J’avais l’impression que les enfants qui adoraient traîner dans les clubs toute la journée avaient une activité saine : dehors, en contact avec la nature, aider l’enseignant, aider les plus jeunes, les conseiller… Ils prenaient leur rôle de grand frère à cœur. Je me souviens que mes grands cavaliers présents sur le samedi entier s’appelaient entre eux les « mini-Laurence ». Ils ne « zonaient » pas dans les centres commerciaux à consommer on ne sait quoi. Ils faisaient du bénévolat dans leur club.
– L’ambiance des centres équestres a-t-elle évolué ?
Aujourd’hui, je crois que la vie extérieure a rattrapé ce milieu. Il y a des écuries à l’atmosphère détestable, du fait de certains parents ou de certains enfants à travers leur éducation. Du fait que tout le monde se positionne en clients et non plus en élèves. Je crois qu’il y a le même problème au sein de l’éducation nationale.
Heureusement, on trouve encore des cavaliers passionnés, pas toujours les plus riches, mais parfois les plus doués, les plus « vraiment là pour ça ». Toujours prêts à rendre service. On leur propose des compensations : monter le nouveau poney qui vient d’arriver pour lui montrer les installations avant de le mettre dans les cours débutants, participer au débourrage d’un poney… On profite de leur petite taille et de leur intérêt et leur niveau tout en leur faisant plaisir. C’est possible en fonction de la générosité de l’enseignant bien sûr.
– Quelles sont les grandes difficultés du passage des Galops 1 à 4 ? En quoi le niveau de difficulté évolue-t-il entre les différents Galops ?
Il existe une progression simple et claire entre les différents Galops. Avec des objectifs définis.
Galop 1 : s’équilibrer comme un cavalier et non plus comme un piéton, et seller –desseller son poney.
Galop 2 : Découvrir le saut, seller et brider.
Galop 3 : Aisance aux trois allures et efficacité, les premiers soins.
Galop 4 : Autonomie aux trois allures, en saut et à l’extérieur. Être capable de s’occuper d’un poney de A à Z en autonomie et référer des points sensibles à un adulte le cas échéant. Ce niveau est normalement une base européenne pour un cavalier autonome à qui on peut confier une monture. C’est un peu tôt pour être propriétaire, mais le cavalier peut envisager une demi-pension.
Après le Galop 4, le cavalier est censé avoir résolu tous ses problèmes et commence à intervenir sur sa monture : l’équilibrer, la faire avancer de différentes façons, la déplacer de côté, modifier tous les paramètres en fonction des exercices proposés et ainsi pouvoir aborder l’obstacle en terrain varié, en montée et en descente.
– Comment s’organise la validation des Galops ?
Chaque Galop est divisé en plusieurs modules : à cheval, à pied, les soins, les connaissances théoriques… L’examen comporte un test sur chaque module puis le Galop est validé en entier ou partiellement.
Les cavaliers peuvent donc passer un Galop en plusieurs fois et dans des endroits différents. Si cela n’a pas lieu d’être dans les petits niveaux, cela peut être utile sur les tests Galop 5 à 7 où tous les centres équestres n’ont pas de cross ou poneys de cross pour passer l’examen.
– Comment ont évolué dans le temps ces passages de niveau ?
Les programmes sont très peu modifiés. Il y a eu des redécoupages et l’équitation reste l’équitation avec peu de mises à jour. La pédagogie a en revanche considérablement évolué.
Dernièrement, c’est le travail à pied qui s’est vu réintégré avec des objectifs précis dès les petits niveaux. En fait, le programme n’était que du bon sens pour tout enseignant : savoir marcher et faire tourner son poney en main, tous les enfants s’en servaient déjà quand ils devaient conduire leur poney au manège et le faire s’arrêter sur la ligne du milieu avant de monter.
– Comment orienter la pratique sportive vers le dressage ou l’obstacle ?
Cela dépend toujours de l’enseignant : de ce qu’il aime faire et faire faire à ses élèves. Le saut c’est facile. Si les enfants veulent sauter et sortir en concours, ils trouveront des centres en quantité. En revanche, pour ce qui est de les initier au dressage et de leur faire aimer, c’est déjà plus rare. La pratique est plus subtile, compliquée, mais tellement satisfaisante (osmose réelle avec son poney mais sans l’adrénaline du saut). Ce qui est dommageable, c’est que le dressage est indispensable à la pratique des autres disciplines. On perd en qualité d’équitation en séparant d’un côté les cavaliers qui sautent et de l’autre ceux qui dressent.
C’est pour cette raison que la discipline du complet (dressage, obstacle, cross) est celle qui m’a permis de sélectionner les deux écuries où nous avons réalisé les photos pour le livre (PC de Nanteuil et PC du Bois de la Noue). Les enfants ont compris et vivent l’interaction des trois disciplines entre elles.
– Aborder la compétition d’obstacle à petit niveau est mal conçu par la Fédération Française d’Équitation ?
C’est ce que je pense ! Les chronos obligent les enfants à aller vite alors qu’ils n’en ont pas la technique, ils font un tour à l’arrache, tout l’inverse de ce qu’ils apprennent en cours. Les orienter vers le hunter comme cela se fait dans d’autres pays serait une bonne option, mais il y a trop peu de concours de hunter.
Le dressage pur intéresse peu les enfants, à moins d’avoir un poney de Grand Prix et d’aller vers le haut niveau comme la Tournée des As… d’avoir peur de sauter, d’avoir un top enseignant. Le pratiquer dans la discipline du complet reste une alternative séduisante qui pourra laisser l’enfant maître de ses choix de cavalier adulte.
– Si vous deviez définir le grand message du livre, quel serait-il ?
Le message est : « Soyez curieux, ne cessez pas de vous poser et de poser des questions, d’apprendre et d’aimer encore mieux les animaux avec lesquels vous allez vivre de grands moments ! »
Pour en savoir plus :
Manuel d’équitation pour les enfants – Préparation aux galops 1 à 4
Laurence GRARD-GUENARD
Editions AMPHORA