L’entraînement ne change pas les dimensions cardiaques

Plusieurs personnes croient que certaines formes d’entraînement risquent de provoquer un changement des dimensions cardiaques qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur la santé ou sur la performance. Cette idée s’est répandue au cours des années 1970, d’abord en France, puis dans certains autres pays, particulièrement dans les milieux du cyclisme et de l’athlétisme.

À cette époque, des experts disaient que l’entraînement « en résistance » (aujourd’hui on dirait l’entraînement de la capacité anaérobie), par exemple faire des sprints ou de la musculation, augmente l’épaisseur des parois du cœur au détriment de sa cavité.

Ainsi, ces experts disaient (et les sportifs les croyaient) qu’il fallait d’abord s’entraîner en endurance pour augmenter le volume de la cavité du cœur avant de s’entraîner « en résistance », sans quoi on risquait de voir les parois du cœur « étouffer » sa cavité. Ainsi, des milliers de sportifs intoxiqués par cette idée ont du s’astreindre à s’entraîner à une intensité plutôt faible (ex. fréquence cardiaque sous la barre des 140 bpm).

En fait, l’expression « cœur d’athlète » a été introduite au début du siècle dernier lorsque des observations effectuées à l’autopsie ont révélé que le cœur de certains athlètes d’endurance, particulièrement des cyclistes et des marathoniens, possédait des dimensions supérieures à la normale. Or, un certain nombre de maladies cardiaques, notamment la sténose et l’insuffisance aortique, sont associées à une hypertrophie du myocarde, c’est-à-dire une augmentation du volume du muscle cardiaque. Pour cette raison, on a souvent fait l’erreur de penser que le cœur de l’athlète pouvait être pathologique.

Depuis le développement de l’échocardiographie à la fin des années 1970, des investigations menées auprès de sédentaires et de personnes entraînées (mesure des dimensions cardiaques avant et après une période d’entraînement plus ou moins intensif) fournissent de nouvelles données qui contribuent à la compréhension des caractéristiques du cœur de l’athlète.

Voici ce qui ressort de ces études :

  1. Il n’est pas nécessaire de posséder un cœur hypertrophié (un gros cœur) pour exceller en sport. Des athlètes de très haut niveau ont un cœur qui n’est pas nécessairement très gros, ce qui ne les empêche pas de profiter de qualités physiques exceptionnelles.
  2. Le cœur apparemment hypertrophié qu’ont certains athlètes peut être dû à leurs dimensions physiques et non pas à leur entraînement : les grands et costauds ont plus de chance d’avoir un gros cœur que les petits et minces.
  3. Si certains athlètes de haut niveau ont un cœur plus gros que la moyenne, c’est peut-être parce que leur héritage génétique les a pourvu d’un plus gros cœur, tout simplement, et cela leur a peut-être conféré un avantage qui leur a permis de se rendre à un niveau que les autres, moins biens nantis du point de vue génétique, n’ont pas su atteindre. On peut faire l’analogie avec la taille des sauteurs en hauteur d’élite : c’est notamment parce qu’ils sont grands qu’ils excellent dans ce sport, mais faire du saut en hauteur ne fait pas grandir !
  4. Les programmes d’entraînement, même intensifs, qu’ils soient en force (ex. haltérophilie), en puissance (ex. sprint en athlétisme) ou en endurance (ex. marathon), ne provoquent que des modifications très faibles, voire nulles, des dimensions cardiaques ; ils n’endommagent pas le cœur mais – au contraire – ils s’accompagnent d’une amélioration importante de la fonction cardiaque.
  5. Si on a parfois observé une augmentation du diamètre de la cavité interne ou de l’épaisseur des parois du ventricule après l’entraînement en endurance, ces différences :
    • sont inférieures à la marge d’erreur de l’échocardiographie ;
    • pourraient être partiellement ou totalement expliquées par la diminution de la fréquence cardiaque au repos ou l’augmentation du volume sanguin, qui sont des adaptations bien connues de l’entraînement en endurance (meilleur remplissage du ventricule gauche qui le fait paraître sensiblement plus volumineux).
  6. Les éventuels changements des dimensions cardiaques avec l’entraînement semblent encore plus insignifiants lorsqu’on les compare aux (très importantes) hypertrophies observées chez les patients souffrant de certaines pathologies du système circulatoire.

Les sportifs qui craignent de développer un « cœur d’athlète » n’ont pas à s’en faire. L’entraînement sous toutes ses formes (continu, par intervalles plus ou moins intenses, musculation, etc.) s’accompagne d’adaptations bénéfiques, sans changement important des dimensions du cœur. L’important, donc, ce n’est pas tellement d’avoir un gros cœur, mais bien plutôt d’avoir du cœur !

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