La terre battue de Roland-Garros, une surface comme les autres ? Avis d’expert : Cyril Ravilly

Les tournois sur terre battue représentent environ un tiers des tournois disputés sur le circuit ATP. Roland-Garros est le seul des tournois du Grand Chelem qui se joue sur cette surface.

Le profil du joueur de terre battue

Parmi les tournois sur terre battue, Roland-Garros est le seul qui se joue sur trois sets, amplifiant le degré d’exigence requis pour gagner. Au meilleur des trois sets gagnants, Nadal n’aurait pas gagné Roland-Garros en 2011.

Les joueurs qui sont en finale de Roland-Garros sont sans conteste les joueurs les plus complets du moment. Le service joue un rôle bien moindre que sur les autres surfaces (4,4 aces par match[1] vs 9,2 sur gazon et 6,7 sur dur) rendant le résultat des matchs plus dépendant des échanges. On ne gagne pas par hasard sur terre battue en trois sets gagnants. Chaque point est difficile à gagner. La surface requiert endurance, combativité, puissance et sens tactique.

Il n’y a plus de joueurs uniquement spécialisés sur cette surface comme cela pouvait être le cas il y a encore une vingtaine d’années :

  • Le système de classement à l’ATP avantage les joueurs polyvalents.
  • Les différences entre les surfaces ont été amoindries (balles plus rapides sur Roland-Garros, gazon plus lent…).
  • Le tennis évolue vers l’uniformisation des styles de jeu avec la primauté du jeu d’attaque de fond de court. Il n’est plus possible d’être parmi les 100 premiers joueurs sans réaliser au moins 15 % de coups gagnants par match. Attendre la faute de l’adversaire n’est plus une tactique suffisamment efficace au plus haut niveau.

Il est possible toutefois de déceler des préférences individuelles avec des joueurs comme Nadal, Ferrer, Nishikori, Robredo et Thiem qui ont un pourcentage de gain sur terre bien supérieur à celui du reste de la saison. À l’inverse, certains joueurs ne sont pas des grands adeptes de la terre battue comme Murray, Isner, Raonic. Mais en positif comme en négatif, les ratios de victoires sur terre battue sont toujours compris dans une fourchette de 10 % par rapport à l’ensemble des matchs joués sur toutes les surfaces. Pour tous, sauf un joueur qui semble allergique à la terre battue. Il s’agit de Tomic qui n’a remporté que 37,5 % de ses matchs sur terre battue alors qu’il a l’habitude de gagner en moyenne plus de 53 % de ses matchs toutes surfaces confondues.

Données ATP sur l’ensemble des matchs ATP (terre battue)

Source : Données ATP sur l’ensemble des matchs ATP durant la carrière des joueurs (à fin 2015).

Les joueurs français (Gasquet, Tsonga, Simon, Monfils, Paire) sont polyvalents et ne sont ni favorisés ni pénalisés par cette surface de jeu).

Les spécificités de la surface de jeu et l’incidence sur la tactique

La terre battue n’est pas une surface beaucoup plus lente que les surfaces dures. Le rebond ralentit certes la vitesse de balle d’environ 40 % contre près de 35 % sur surfaces dures, mais il restitue davantage l’effet donné à la balle, ce qui a tendance à accélérer le jeu. Une différence importante est liée à la capacité des joueurs à mieux défendre. Les glissades permettent de rattraper des balles inaccessibles sur les autres surfaces.

La terre battue est la surface qui restitue le mieux l’effet lifté donné à la balle. Son utilisation y est donc accentuée. L’effet lifté accroît la sécurité des coups. Un coup joué à plat à 100 km/h rebondit environ un mètre plus loin qu’un coup lifté. Le lift réduit donc le risque de faire faute.

Un coup lifté fait perdre de la vitesse à la balle et augmente la distance entre le premier et le second rebond de celle-ci. Plus cette distance est grande, plus l’adversaire dispose de choix sur l’endroit où il peut frapper son coup (tôt avec une prise de balle précoce, au sommet du rebond ou plus tard juste avant le second rebond en défense…).

La terre battue est une surface qui permet de défendre loin de sa ligne de fond du fait de l’utilisation amplifiée du lift sur cette surface. Avec des capacités de défense accrues et une couverture du terrain plus large, le rôle de l’amortie est plus important que sur les autres surfaces et contribue ainsi à rendre les échanges plus spectaculaires.

Sur terre battue, le vainqueur est le plus souvent celui qui arrive à dicter la conduite de l’échange du fond du court et qui finit par asphyxier son adversaire. Cela peut se faire par des coups puissants liftés de fond de court, type rouleau compresseur (Nadal, Wawrinka, Ferrer…), soit par une prise de balle très tôt avec moins d’effet lifté et une grande précision dans les zones trouvées (Djokovic, Federer,…). Ce second choix tactique est plus risqué et exige durant toute la durée du match un placement idéal du joueur au moment de la frappe. Cette difficulté fait que ce type de jeu est plus compliqué à tenir sur la durée des trois sets gagnants.

La stratégie du rouleau compresseur a de nombreuses fois fait ses preuves à Roland-Garros. Djokovic fait évoluer son jeu pour prendre moins de risque en attaque et tout en donnant rythme et puissance du fond du court sans faire de fautes. La victoire à Roland-Garros sera à ce prix.

[1] Joueurs professionnels parmi les 100 premiers à l’ATP. Matchs en deux sets. Données 2014.

Pour en savoir plus :

Les Fondamentaux tactiques du tennis

Cyril Ravilly

Éditions Amphora

A936

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