Interview de Jérôme Sordello – La marche nordique

Vous n’avez plus d’excuses pour ne pas pratiquer une discipline sportive et pour ne pas vous mettre en marche. Originaire de Finlande, la marche nordique a déferlé ces dernières années en France. Les marcheurs sont reconnaissables aux bâtons qu’ils utilisent pour se propulser vers l’avant. La marche nordique reprend la technique et le rythme du ski de fond sans les skis. Jérôme Sordello, spécialiste de la course à pied, vous propose un ouvrage très complet aux éditions Amphora. Un livre écrit à quatre mains avec Samuel Bernard qui ouvre une fenêtre sur la pratique très grand public de la marche nordique.  

– Pourquoi écrire un livre sur la marche nordique lorsque l’on est un spécialiste de course à pied ?

Mon cœur de métier est avant tout d’être coach sportif. Titulaire du DESS « Préparation Physique et Management des Équipes Sportives » de l’UFR STAPS de Strasbourg, j’ai pu acquérir grâce à ma formation universitaire et sportive la compétence d’analyser les caractéristiques de pratique et d’entraînement pour toutes les activités physiques et sportives. Ainsi, après avoir écrit des ouvrages sur des accessoires et méthodes d’entraînement comme le Swiss Ball ou la Power Plate, et sur des activités plus universelles comme le running qui est mon sport de prédilection, je me suis lancé dans l’écriture de « La Marche Nordique ».

– Quels sont les points communs entre la course à pied et la marche nordique ?

Avant tout, il s’agit de deux disciplines en plein essor et faciles d’accès. Les deux activités présentent de nombreux bienfaits avec des impacts très positifs sur la condition physique et la santé. Il s’agit de deux sports d’endurance mais qui ne délaissent pas le renforcement musculaire. Les contraintes anatomiques en moins pour la marche nordique et avec encore plus de bénéfices concernant le domaine de la réhabilitation physique et mentale.

– Comment situer la marche nordique dans la hiérarchie des sports d’endurance ?

La marche nordique a pour particularité de réintroduire le système de déplacement « quadrupédique » ou des quatre appuis « fonctionnels ». Ce mode de déplacement situe ainsi la marche nordique dans la catégorie d’activités physiques et sportives comme le ski de fond ou la randonnée en montagne avec bâtons.

En quoi la marche nordique se rapproche-t-elle du ski de fond, sans les skis, sans les bâtons et sans le forfait ?

La marche nordique se rapproche du ski de fond dans le sens où elle est née du ski de fond. En effet, la marche nordique a connu ses premiers balbutiements en Finlande en tant que méthode d’entraînement hors saison des skieurs de fond pour continuer à s’entraîner en l’absence de neige. Les premiers pratiquants l’appelaient alors le « ski marche ». Depuis, la pratique a évolué et pris son indépendance mais reste un moyen d’entretien ou d’entraînement physique des skieurs de fond. Même si la marche est souvent remplacée par la pratique du roller avec bâtons.

– En quoi la marche nordique se différencie-t-elle de la marche athlétique ? Quelles différences avec la marche version athlétisme très connue avec le célèbre Yoann Diniz ?

Par rapport à la marche athlétique, la marche nordique est plus accessible car plus naturelle. De plus, elle permet d’optimiser le travail du corps dans sa globalité tout en diminuant la charge au niveau des membres inférieurs la plupart du temps.

– Est-ce un sport qui fait travailler l’ensemble du corps ?

Tout à fait ! L’intérêt principal de la marche nordique réside justement dans une intervention de la majorité des groupes musculaires. Pour reprendre les paroles du Docteur Jacques Pruvost, médecin du sport : « On entend souvent dire que la marche nordique fait travailler 80 % des muscles, mais je dirais plutôt 98 %, car je ne vois pas très bien quel muscle ne travaille pas ». Comparée à la marche classique, la marche nordique, de par l’utilisation des bâtons, requiert un travail plus important des muscles des membres supérieurs.

– En quoi est-ce une discipline accessible pour beaucoup ?

La marche nordique est une activité facile et accessible. Elle offre des domaines d’application divers : aspects cardio-vasculaires, renforcement musculaire, souplesse, équilibre et coordination… Grâce à cela, différents publics sont en mesure d’en retirer de multiples bénéfices : les sédentaires et travailleurs sédentaires, les enfants et adolescents, les seniors, les personnes en rééducation, les femmes enceintes ou après l’accouchement ainsi que les sportifs.

– C’est un sport forcément facile à apprendre. Quelles sont les techniques importantes à suivre ? 

La technique de la marche nordique n’est pas très compliquée en soi. Il suffit de respecter quelques règles de base et de s’entraîner un minimum. Dès la première séance, la progression est notable, et il suffira de quelques séances seulement pour maîtriser la pratique. Parmi les différents éléments techniques que l’on doit s’approprier, on retrouve une bonne posture avec un dos bien droit, la synchronisation des jambes et bras opposés avec une double rotation bassin/buste, une amplitude importante des mouvements de bras et de jambes, des mains qui alternent systématiquement des phases d’ouverture et de fermeture et un positionnement incliné des bâtons.

– Quelles sont les grandes techniques de la marche nordique ?

La technique ALFA est la principale technique de marche nordique. En provenance d’Allemagne, elle tire son nom des quatre techniques fondamentales qu’elle met en avant, à savoir : A pour Alignement du corps, L pour Long bras ou bras tendu, F pour Flat Pole ou bâtons obliques et A pour Adapted steps ou longueur de pas adaptée.

La technique 2P/B est une évolution de la technique ALFA menée par l’école italienne de la marche nordique avec une logique de progression dans son apprentissage. Elle repose également sur quatre fondamentaux, à savoir : Posture, Pas, Bras, Bâton.

La méthode OTOP reprend les fondamentaux de la technique ALFA mais intègre des adaptations issues d’autres méthodes ou techniques. Au final, on retrouve également quatre fondamentaux dont elle tire son nom : O pour Optimisation de la foulée, T pour Tenue du corps, O pour Ouverture des mains et P pour Position des bâtons.

– Les bâtons sont-ils obligatoires ?

Oui. La présence de bâtons est le principe clé de la marche nordique comparée aux autres types de marche !

– Quelles différences avec la randonnée ? Est-ce un moyen de préparer une randonnée ?

Par rapport à la randonnée, la marche nordique permet un déplacement plus rapide avec l’obtention d’une meilleure posture. Par rapport à la randonnée avec un bâton, on assiste à un travail plus symétrique qui aide à la propulsion. Elle peut être un moyen de préparation plus approprié que la marche seule ou la marche active.

– Quelles sont les disciplines complémentaires qui permettent de progresser en marche nordique ? Le vélo, le gainage… ?

Potentiellement toutes, à commencer par la course à pied !

– Comment composer un programme d’entraînement en marche nordique ?

Une fois la mise en main effectuée, plusieurs méthodes d’entraînement peuvent être associées afin de construire un programme d’entraînement : endurance, fractionné, travail en côtes…

Au niveau de la construction de la séance en elle-même, les séances de marche nordique se déroulent en plein air durant une à deux heures en moyenne. Chaque séance commence par une phase d’échauffement puis se poursuit par une phase de tonification puis de marche proprement dite. La séance se termine enfin par une phase de retour au calme et d’étirement.

– Quel est l’intérêt de la marche nordique pour un grand coureur comme vous ?

Aujourd’hui encore, la marche nordique entre dans la préparation de coureurs. Pour reprendre les paroles de Christian Perrier, vainqueur de la version marche nordique de l’Ecotrail de Paris 2015 : « des sessions de marche nordique lors de la préparation de certaines courses (essentiellement les trails de montagne) m’ont fait beaucoup progresser sur les portions où l’on y marche ».

Dans certains pays comme en Italie par exemple, des protocoles d’entraînement sont petit à petit développés et intégrés dans la préparation physique de disciplines athlétiques. L’utilisation des bâtons dans la gestuelle spécifique de l’athlète permettrait d’améliorer les actions équilibratrices et motrices des bras.

Enfin, la marche nordique représente un formidable outil de rééducation physique en vue de la récupération de la déambulation. Elle peut être aussi utilisée dans le but de prévenir les blessures ou même le surentraînement. En effet, transposée en course, l’utilisation de bâtons permet de réduire les pics et forces d’impacts d’environ 5 %.

Pour celles et ceux dont la discipline de prédilection reste la course à pied, la marche nordique est un complément possible, ni plus ni moins.

– Le secret de ce sport, c’est que cela ne coûte pratiquement rien, on peut le pratiquer partout, chacun à son rythme… C’est un sport pour toutes et pour tous ?

Assurément oui !

– Certains marathons célèbres s’adressent aussi aux marcheurs comme le Marathon de New-York. Va-t-on voir déferler des marcheurs sur ce type de courses prestigieuses ?

Je ne suis pas assez visionnaire pour répondre à cette question. Je souhaite qu’il y ait de plus en plus de pratiquants, qu’il s’agisse de coureurs, de marcheurs nordiques, de marcheurs athlétiques ; c’est une question de santé !

– Quelles sont les courses existantes en marche nordique ?

La marche nordique n’a pas échappé à l’arrivée des compétitions. Le cadre général de la marche nordique en compétition a été réglementé dans un cahier des charges par la Fédération Française d’Athlétisme. Un « Marche Nordique Tour » (MNT) destiné aux spécialistes des épreuves de compétition a même été lancé en septembre 2014, basé sur des épreuves labellisées FFA. Le guide des labels Marche Nordique en compétition (MNC) ainsi que le règlement du Marche Nordique Tour (MNT) sont disponibles sur le site internet de la FFA.

Pour en savoir plus : 

La marche nordique

Samuel BERNARD et Jérôme SORDELLO.

La marche nordique

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