Interview David Manise – Manuel de [Sur]vie en milieu naturel

À première vue, le « Manuel de survie en milieu naturel » de David Manise ne concerne que les trappeurs perdus au beau milieu de la forêt canadienne. C’est une fausse idée, ce livre publié aux éditions Amphora pourrait sauver un jour la vie de chaque lecteur, mais aussi augmenter le niveau de confort de chacun, dans la nature, voire au quotidien !

Au-delà des techniques de survie, c’est une véritable réflexion sur la connaissance de soi que propose David Manise. Des pages qui font survivre, mais surtout vivre et grandir ses lecteurs.  

– David, lorsque quelqu’un décide d’écrire un « Manuel de Survie en Milieu Naturel », on se dit que cet auteur doit forcément être un aventurier au parcours atypique !

Je ne sais pas si j’ai un parcours atypique. Mon parcours est simple. J’ai grandi au Québec au sein d’une famille nombreuse qui pratiquait beaucoup d’activités dans la nature. Ce que je sais, je l’ai appris beaucoup de ma jeunesse. Mais j’ai toujours été attiré par la survie, sans vraiment en avoir conscience.  Ainsi, à l’université, je me suis gavé de connaissances diverses tournant autour du sujet, de la médecine à l’archéologie appliquée.  J’ai quitté le Québec après mes études pour m’installer en France , il y a une quinzaine d’années.

– Et vous avez fait le choix de vous enfermer dans un bureau pendant quelques années…

J’ai travaillé dans une start-up entre 2000 et 2002. Puis ensuite, j’ai « vrillé ». Je n’en pouvais plus de ce quotidien. Je ne me sentais pas à ma place du tout.

– Comment avez-vous compris l’utilité de vos stages en France ?

Je me suis rendu compte que tout ce que je savais, c’est-à-dire faire du feu, pêcher, chasser, bivouaquer, purifier de l’eau, soigner des blessures légères avec les moyens du bord, optimiser sa régulation thermique… et bien personne ne savait le faire ! En parlant avec un pote qui était parti dans l’Himalaya et qui avait bien galéré pendant son périple, je me suis rendu compte que j’étais l’un des rares, ici, à avoir ces connaissances sur la vie et la survie en milieu naturel. J’ai eu envie de partager ces connaissances, pour que ça soit utile aux gens.  Qu’ils s’approprient ces savoirs et les diffusent.

– Pour vous cela paraissait évident que tout le monde savait faire du feu ou purifier de l’eau ?

Effectivement, cela me paraissait évident ! Je pensais qu’au minimum, les gens avaient des bases. Tout le monde connaît les bases, comme passer l’aspirateur, mais je pensais que ces bases incluaient aussi la capacité de faire du feu sous la pluie, de monter un abri ou « dépiauter » un animal…  Maintenant, j’y travaille !

– Quand vous avez quitté votre start-up, à Lyon, vous saviez que vous vouliez vous rapprocher de la nature ?

Effectivement ! J’ai fait beaucoup de recherches et de formations entre 2002 et 2005. Je savais comment faire pour survivre en milieu naturel, mais je ne savais pas pourquoi cela fonctionnait et dans quel contexte cela ne fonctionnait plus. Je me suis replongé dans mes cours de physiologie, dans de nombreuses études et livres. Comme j’étais secouriste au Québec, j’avais déjà acquis des connaissances sur le sujet. J’ai approfondi mes connaissances pour dépasser la technique et comprendre les principes qui sous-tendaient tout ça.  Et entrer dans la pédagogie, la transmission.

– Et c’est devenu un métier aujourd’hui ?

Depuis 2003, je fais ça à plein temps.  Les gens s’inscrivent et viennent apprendre comment survivre en milieu naturel. Et puis je forme aussi des moniteurs.

– Quels sont les retours des gens qui viennent dans les stages ?

Le premier retour est un commentaire qui revient souvent : les gens sont heureux de passer du temps avec des gens sains ! Les gens ne sont pas plus sains ou moins sains en stage de survie. C’est juste que le contexte et les règles changent. Je mets en place un cadre bienveillant. La règle du jeu est simple : chacun doit prendre soin de tout le monde, tout le temps. Les règles sont les mêmes pour tous.

Le lendemain d’une nuit de bivouac, chacun est fatigué, chaque participant a les yeux cernés… Le statut social, le boulot de chacun, le maquillage, les nichons en silicone et le standing ne sont plus significatifs. Et quand il pleut, il pleut sur tout le monde, sur l’avocat à Aix-en-Provence, sur le cadre à Paris, sur le surveillant de prison dans les Pyrénées ! Cela fait tomber toutes les barrières, les filtres sociaux, le paraître ! On se retrouve entre humains à se serrer les coudes. Cela révèle le côté sain des gens. Ils coopèrent face à des problèmes concrets.

– Cela fait penser à l’émission Koh-Lanta ou un plus loin dans le temps à la série américaine MacGyver…

La série américaine intitulée MacGyver revient un peu dans les discussions sur le principe de construire un four à micro-ondes avec un trombone et un stylo. C’est la notion de débrouille qui revient. Par contre, en ce qui concerne Koh-Lanta, les gens viennent avec cette idée mais se rendent compte très vite que c’est l’inverse qui se produit avec moi. Koh-Lanta c’est un jeu politique de concurrence entre des gens qui doivent s’éliminer en faisant semblant de coopérer. Lors des stages, nous faisons l’inverse. La règle de base est qu’à la fin, tout le monde doit être vivant et avoir appris quelque chose.

– Il y a beaucoup de messages dans le livre.   

Sans vouloir critiquer la société et les choix des gens en général, il suffit de se demander ce qui est le plus important pour rester en vie. Cela pose un socle d’objectivité dans notre rapport à nous-mêmes, aux autres, au monde et à l’écosystème. Il n’y a pas de jugement moral mais les gens déduisent d’eux-mêmes, et trouvent leurs réponses à eux.

La simplicité, dans le bon sens du terme, la cohérence, la coopération, la rigueur aussi…  Rien de bien sorcier, mais des choses qui manquent souvent, et qui fonctionnent très bien.

– Il y aussi des notions de secourisme que nous devrions tous connaître. 

Si 30% de la population était formée aux premiers secours, le monde tournerait plus rond. Il n’y a pas besoin de beaucoup de matériel ni de beaucoup de connaissances pour sauver beaucoup de vies. Un peu de savoir-faire et quelques outils suffisent. Plein de bonnes formations existent, pour un prix modique et une journée de votre temps ! Formez-vous !

– Est-ce que votre livre propose une méthode personnelle ou universelle ? 

C’est une méthode générique, qui fonctionne partout. Le public de ce livre est multiple. Le livre est essentiel quand on part en randonnée, en course nature, en voyage, ou en balade…  mais les techniques fonctionnent aussi au bureau, ou en cas de panne de courant, ou en cas de crise.  J’ai même utilisé les « checklists » de base pour choisir mon dernier appartement !

Avec des solutions simples et efficientes, on s’en sort bien. Ce qui est difficile, de nos jours, ça n’est pas d’avoir accès à des techniques.  Un coup de moteur de recherche, sur Internet, et on a directement accès à des tonnes de trucs plus ou moins utilisables et pertinents.  Ce qui est difficile, c’est de trier : de trouver les méthodes, techniques et principes qui fonctionneront le mieux dans le monde réel.  C’est là que l’expérience réelle fait la différence.  Pour choisir la bonne solution, dégraisser, et réduire le blabla. Ces quelques solutions simples et efficaces n’ont rien de magique.  On devrait les enseigner dans les écoles. C’est d’intérêt public.

– Quelle est la situation la plus extrême que vous ayez rencontrée ? 

Pour moi, la pire situation que j’ai rencontrée, c’est lorsque je me suis retrouvé à Villeurbanne au milieu d’un Open Space avec un petit hargneux qui me gueulait dessus au téléphone parce qu’il y avait une virgule de travers sur son site Internet.  Globalement la boîte où j’étais était super saine, dans son genre, mais ça n’était pas pour moi, cette vie là. Bosser toute la semaine, se taper les bouchons, le samedi aller vite faire les courses, les lessives et le shopping, et le dimanche aller voir des amis et discuter prêts immobiliers, « canapés d’angle en cuir ou en tissus ? ».  Le tout avec le sourire ?  Plutôt crever !

– Et vous avez fait comment pour survivre ? 

J’ai fui ! Je suis parti dans la Drôme, et j’ai commencé à mettre sur pied une activité qui avait du sens et une réelle utilité pour ce monde. Arrêter de gaspiller ma vie, et investir mon temps et mon énergie dans un projet digne de ce nom. Arrêter de me prostituer l’esprit pour satisfaire plein de gens, sauf moi-même. C’est comme ça que j’ai lancé mon forum, puis les premières associations qui ont fini par déboucher sur le CEETS tel qu’il est aujourd’hui.  C’est le travail de 15 ans, et au final l’expérience et les apprentissages de toute une vie que j’enseigne aujourd’hui.

Pour en savoir plus :

Manuel de [sur]vie en milieu naturel

David MANISE

Editions AMPHORA

A937

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Laisser un commentaire