Certains entraîneurs font faire des exercices ou donnent des consignes :
- sans respect de la mécanique articulaire,
- destructeurs, à terme, pour les articulations.
Ces effets nuisibles ne sont pas volontairement recherchés. Mais ceci n’en est pas moins dangereux et trahit une méconnaissance de la physiologie articulaire.
Qu’est-ce qu’une articulation ?
C’est un dispositif anatomique par lequel des os sont unis entre eux, c’est-à-dire un ensemble d’éléments agencés : os, cartilages, bourrelet, ligaments, capsule, muscles et leurs tendons.
Ce dispositif peut être caractérisé par sa stabilité et sa mobilité.
Mobilité et stabilité
Ces deux caractéristiques diffèrent selon les articulations. Leurs valeurs dépendent :
- de la forme des surfaces articulaires (cartilages, ménisques bourrelet).
- des moyens d’union (ligaments, capsule).
- des muscles et de leurs tendons.
Les muscles sont considérés comme des ligaments actifs, c’est-à-dire à tensions variables ; ils participent à la stabilité et à la mobilité de l’articulation.
Les articulations sont ainsi très différentes des points de vue :
- de la stabilité,
- de la mobilité (plans de l’espace des mouvements ou degrés de liberté, amplitudes).
Plans de l’espace des mouvements
(Fig. d’après : training.seer.cancer.gov)
Par exemple :
- la hanche et l’épaule sont mobiles dans les 3 plans, mais la hanche est bien plus stable mais bien moins mobile que l’articulation scapulo-humérale (épaule).
- Le coude autorise des rotations de 180° en flexion comme en extension (prono-supination) alors que la flexion du genou s’accompagne de rotation interne du tibia (20-30°) et l’extension de rotation externe (30-40°).
Respecter les articulations en préparation physique
Une des difficultés est d’améliorer la mobilité sans nuire à la stabilité et réciproquement. Il s’agit impérativement d’éviter de solliciter une articulation dans un plan de l’espace dans lequel n’est pas mobile et au-delà des butées osseuses.
Hyperlaxité du dos… !
(Fig. extraite de gymnet.org)
Comprendre les mouvements possibles et ceux qui ne le sont pas, implique de connaître le classement relatif à leur mobilité ou « typologie articulaire ».
Typologie articulaire
L’entraîneur doit connaître et prendre en compte le classement des articulations selon leurs formes. En effet, leurs formes conditionnent en grande partie les mouvements qu’elles permettent, donc leur mobilité :
- Les articulations immobiles ou amphiarthroses : les os sont soudés et ne permettent pas de mouvements (os du crâne, os du bassin).
- Les articulations semi-mobiles ou synarthroses, permettent peu de mouvements (symphyse pubienne, articulation sacro-iliaque…).
- Les articulations mobiles ou diarthroses, permettent de nombreux mouvements.
Toutes les diarthroses n’ont pas la même mobilité. Ces articulations sont soit :
- mobiles dans un plan ;
- mobiles dans deux plans ;
- mobiles dans trois plans.
Classement des articulations mobiles
(Fig. R. Ziane)
Chaque articulation mobile a ses limites d’amplitude, ses butées et ses impossibilités gestuelles.
Différentes formes d’articulations mobiles
(Fig. d’après : calamar.univ.ag.fr)
Du point de vue biomécanique, toute articulation mobile est assimilable à un levier, que l’entraîneur doit prendre en considération des points de vue : des longueurs, des forces, des vitesses, des accélérations, des changements d’angle,… et plus généralement, des contraintes mécaniques (somme des forces en un point).
Contraintes mécaniques
La sollicitation des articulations en statique et plus encore en dynamique génère des contraintes mécaniques au niveau :
- des surfaces articulaires (cartilages),
- des moyens d’union (ligaments, muscles et tendons…).
Les mouvements articulaires sont destructeurs lorsqu’ils :
- sollicitent une articulation dans un plan pour lequel elle n’offre pas de mobilité,
- forcent sur les butées osseuses, cartilagineuses, ligamentaires.
- administrent des forces supérieures aux résistances des matériaux qui la constituent,
- sont réalisés à des vitesses ne permettant par aux éléments de reprendre leur position.
Ceci nuit à son intégrité au détriment de sa stabilité !
Quelques mouvements dangereux
On les voit encore prescrits dans les clubs de sport et… sur internet !
Les rotations internes de genoux en flexion.
Échauffement des genoux (Fig. d’après www.tribordclub.com)
Sur la figure de gauche, le genou gauche est fléchi vers l’intérieur, ce qui est contraire à sa morphologie. Sur la photo de droite, c’est le genou droit qui subit le traumatisme…
Lorsque le pied est fixé (sol, pédale), en flexion, le genou doit aller légèrement vers l’extérieur.
Roulé sur la nuque jambes tendues
Étirement du dos
(Fig. extraite de www.rollerenligne.com)
Les membres inférieurs tendus font levier, amplifiant la charge donc les contraintes mécaniques sur les disques vertébraux déjà comprimés !
Abdos jambes tendues à ras du sol
avec haltères, espalier ou en tenant les chevilles d’un partenaire.
(Fig. extraite de ventre-plat-tip.blogspot.com)
La figure du haut montre que plus les pieds se rapprochent du sol, plus la colonne lombaire est creusée sous la contrainte.
Par ailleurs, les grands droits, appelés à tord abdominaux, ne sont donc pas fléchisseurs de la hanche !
En danseuse à fréquence de pédalage élevée
Séance de biking
(Fig. extraite de : utrecsports.org)
En danseuse, la fréquence de pédalage doit être réduite à 60 t/min, ce qui implique d’augmenter la résistance ou le braquet. Dans le cas contraire, les ménisques n’ont pas le temps de reprendre leur position initiale au risque de bloquer le genou voire de se casser.
Conclusion
Les traumatismes articulaires touchent les cartilages, les ligaments, les muscles et les insertions des tendons.
Préserver les articulations consiste à éviter le surmenage articulaire, qui est la conséquence de gestes de grande amplitude à la « limite du physiologique« . Mais, c’est aussi éviter de répéter violemment des gestes techniques spécifiques, c’est-à-dire à grande vitesse. En effet, ces gestes provoquent des traumatismes minimes mais répétitifs.
Cependant, il n’y a pas que les mouvements qui peuvent nuire aux articulations. Les blocages demandés ou imposés mécaniquement peuvent aussi être dangereux :
- pédales automatiques sans rotations possibles.
- machines guidées de musculation.
- crampons inadaptés au sol.
Les chocs peuvent aussi entraîner des lésions.
Ainsi, si l’échauffement permet, par une sollicitation progressive, de préparer l’articulation à l’effort, ceci est insuffisant.
Références :
Decoopman, P. (2008). Place de la chirurgie dans les pathologies de surutilisation articulaire. 13ème congrès IRBMS-ARFORMES.
Guillet, R. & Genéty, J. (1973). Abrégé de médecine du sport. Editions Masson.
Hertogh, C. (2003). Anatomie – Arthrologie. En ligne.
Testut, L. & Latarjet, A. (1949). Traité d’anatomie humaine. Tome 1 : Ostéologie – Arthrologie – Myologie. Doin & Cie éditeurs.