Aucun joueur n’a rendu aussi clairement publics ses doutes sur sa capacité à rejouer en pleine confiance sur les points importants. Cette transparence a sans doute accru la sympathie du public pour un homme qui gagnait tout. L’aveu des faiblesses d’un champion contribue à accroître sa popularité. Pour produire son meilleur tennis, Nadal a besoin de jouer en pleine confiance.
Nadal va avoir 30 ans en juin 2016. 90 % des titres des tournois du Grand Chelem depuis 1968 ont été remportés par des joueurs de moins de 30 ans. Sur cette base, Nadal ne pourrait plus gagner qu’un ou deux tournois du grand Chelem. Roland-Garros est certainement celui le moins compliqué à gagner pour Nadal. Il a gagné à Roland-Garros 9 de ses 14 titres majeurs. Toutefois aujourd’hui, même sur terre battue, Nadal semble moins performant que Djokovic voire Wawrinka.
P-H Matthieu, récent finaliste à l’ATP 250 de Montpellier, disait en juin 2006 : « Il court partout, on a l’impression qu’il ne se fatigue jamais. Il vient peut-être d’une autre planète… En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’il est né différent. Il a un physique surhumain. Celui qui lui collera trois sets à zéro sur terre battue n’est pas encore né.» Cela caractérisait un peu la distance qu’il y avait entre Nadal et les autres joueurs sur terre battue.
Les défaites de Nadal depuis un an sont loin d’être infamantes, elles ont toutes pour explication l’adversaire qui joue bien. Nadal oblige l’adversaire à briller s’il ne veut pas se faire étriller. Car autant il n’est pas évident de déterminer la bonne stratégie face à Djokovic, autant elle est simple à établir contre Nadal, qui est moins à l’aise en défense quand il est agressé.
La tactique face à Nadal est simple et connue de tous. Il y a l’obligation pour l’adversaire de le bousculer, de l’agresser, sinon le match est plié avant même de commencer. La stratégie est limpide. Quand on est sûr de perdre, on n’a rien à perdre et la pression est nulle. Cela permet aux adversaires de Nadal de pouvoir attaquer libéré, sans l’ombre d’un doute sur la stratégie à tenir. Pour autant le match reste compliqué à gagner. Mais beaucoup des joueurs qui ont triomphé de Nadal ont sorti leur match de l’année car ils ne jouaient pas sous pression.
Il est clair que les défaites de Nadal depuis quelques années ont donné confiance à ses adversaires et contribué à éroder la sienne. Par ailleurs, depuis plus d’un an, sont apparues de véritables faiblesses qui sont plus évidentes quand on regarde ses matchs, par exemple la demi-finale de 2013 à Roland-Garros contre Djokovic. Ce n’est pas nécessairement Djokovic qui joue beaucoup mieux, c’est Nadal qui a un peu baissé de pied sur trois domaines en particulier :
- Un revers moins offensif : Nadal refuse de prendre des risques de ce côté et de faire un coup gagnant en revers sauf en passing-shot où cela devient une obligation.
- Un service moins gênant notamment côté égalité en première comme en seconde balle. Il n’est pas assez puissant, et surtout pas assez bien placé. Par conséquent, Nadal est constamment en défense dès le début de l’échange que ce soit en retour ou même sur son service…
- Un jeu de jambe moins percutant qu’avant avec des défenses inespérées à l’issue de courses qui sont plus rares que par le passé et désormais quasiment inexistantes côté revers. À titre d’illustration, Nadal sur l’Open d’Australie 2016 a couvert 657 mètres par set lors de son match perdu contre Verdasco alors qu’il en parcourait 855 en moyenne en 2012[1].
Toutefois, il convient de garder en tête le bilan de Rafael Nadal sur terre battue depuis le début de sa carrière, à savoir 30 défaites seulement pour 47 tournois gagnés, soit un ratio inouï de plus de 60 % de tournois gagnés parmi ceux auxquels il a participé, et 92 % de rencontres remportées. Il ne faut pas non plus oublier que Nadal a remporté son dernier tournoi du grand Chelem il y a moins longtemps qu’Andy Murray et Roger Federer.
À titre d’illustration, le dernier joueur français à avoir battu Nadal sur terre battue est Olivier Mutis en 2004. Rares sont les Français qui peuvent raisonnablement pouvoir le dominer cette année à Roland-Garros. Seul Monfils au sommet de sa forme en est possiblement capable.
[1]http://video.eurosport.co.uk/tennis/australian-open/2016/the-coach-passive-rafa-nadal-gave-edge-to-fernando-verdasco_vid402303/video.shtml
Pour en savoir plus :
Les Fondamentaux tactiques du tennis
Cyril Ravilly