La corruption sportive est-elle due aux paris ?

Les affaires de corruption sportive ont toujours reçu un écho particulièrement défavorable auprès du grand public, au même titre que le dopage ou la triche. Qui ose salir l’intégrité du sport, se demande-t-on à chaque affaire ? Bien souvent, les paris sportifs, de par les sommes d’argent qu’ils brassent, sont pointés du doigt. Dès lors, certains accusent l’État d’avoir fait entrer le loup dans la bergerie, en régulant les paris sportifs en ligne en mai 2010. Cependant, tout n’est pas si simple.

Tout d’abord, de manière historique, certains sports n’existent en grande partie que grâce aux paris sportifs, par exemple les courses de chevaux. La forme du pari mutuel, mise au point il y a plus d’un siècle, permettait à l’État de prélever une fraction fixe des sommes jouées et de les redistribuer à l’ensemble du monde chevalin. C’est toujours le cas aujourd’hui.

De plus, il faut souligner que la corruption sportive n’a pas attendu l’ouverture à la régulation du marché des paris sportifs en ligne pour exister. Par exemple, les amateurs de baseball auront certainement entendu parler de la finale du championnat américain de 1919, où les joueurs de Chicago avaient promis de perdre des matchs en échange d’une forte somme d’argent.

Le fait que les paris transitent de plus en plus par Internet, et deviennent donc « virtuels », inquiète. Plus besoin, en effet, de transporter des mallettes de billets chez un bookmaker véreux. En quelques clics, les fonds changent de mains, et des sommes colossales peuvent être jouées sur l’issue d’un évènement sportif. En revanche, comme je l’écrivais dans un précédent article, la régulation du secteur permet d’atténuer ce phénomène. En obligeant les opérateurs en ligne à suivre l’activité de leurs « clients », les autorités se sont dotées d’un outil leur permettant de contrôler, certes sur un périmètre modeste, les flux financiers gravitant autour des rencontres sportives. Dans l’affaire Karabatic, où des joueurs de handball professionnels avaient parié sur la défaite de leur propre équipe, ce sont bien des paris « en dur », et non pas en ligne, qui sont à l’origine du problème.

A contrario, les paris sportifs peuvent, dans certains cas, générer une incitation supplémentaire à la triche. En effet, les paris ajoutent à la liste des mobiles potentiels l’appât pur et simple du gain, sans aucune volonté de favoriser l’une ou l’autre des équipes sur un plan sportif. En reprenant l’exemple de l’affaire Karabatic, les joueurs incriminés n’ont pas participé à la rencontre et n’ont pas influencé leurs partenaires. Ils se sont contentés d’exploiter l’information dont ils disposaient à des fins d’enrichissement.

L’autre danger provient de l’offre de paris elle-même. Alors que les parieurs historiques ne pouvaient miser que sur l’issue d’une rencontre sportive, les paris sportifs en ligne permettent désormais de miser sur (presque) toutes les dimensions de l’évènement. Par exemple, qui obtiendra le coup d’envoi ? Ce joueur sera-t-il averti par l’arbitre ? En proposant de découper chaque rencontre de manière aussi précise, il devient de plus en plus facile pour un manipulateur de remporter son pari sans influencer le résultat de la rencontre en elle-même. On peut imaginer qu’un joueur peut recevoir une somme d’argent pour aller vilipender l’arbitre et recevoir un carton jaune, qui n’a pas d’influence directe sur le déroulement de la rencontre.

En décidant de jouer, le parieur comme vous et moi ne contribue évidemment pas au développement de la corruption sportive. Je crois à l’inverse que les parieurs forment une grande communauté, unis par le même amour du sport. Cette communauté est la mieux placée pour établir définitivement les paris sportifs en opportunité pour le monde sportif.

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