Le golfeur appartient à une drôle de race… Un mélange d’Ecossais pour les origines du jeu, et d’Italien pour le côté « flambeur ». Pour ce qui est de son rapport à l’argent, les acteurs du métier cherchent toujours à comprendre ce qui motive ses achats et surtout, ils se posent indéfiniment la même question : pourquoi est-ce qu’un même golfeur peut chipoter pour quelques centimes quand il s’agit d’acheter des tees et débourser 400 € sans trembler pour acquérir un Driver dont il ne saura jamais se servir correctement ? Cela restera toujours une énigme…
Ainsi, il y a quelques années, les avancées technologiques dans le domaine de l’informatique ont rendu possible l’utilisation de radars infrarouges pour donner des informations jusque-là difficilement accessibles aux joueurs aptes à les interpréter et les utiliser ; je veux parler des professionnels. Le lobby des fabricants de matériel a décidé que ces informations devaient être accessibles à tous et a diffusé ces nouveaux outils d’analyse de swing au grand public.
En matière de marketing, la cible n’était plus tout à fait la même et les revenus qui en découlaient non plus. Un certain pourcentage de joueurs a adhéré au produit, c’est indéniable. Mais les gains véritables ont surtout été faits par les fabricants de clubs qui ont utilisé le produit comme fantastique levier de vente de clubs au travers du « fitting », mais aussi par ceux qui se sont concentrés sur l’exploitation de simulateurs de jeu, issus de la même technologie.
Parallèlement à l’informatique, un autre domaine a vécu un développement spectaculaire ces dernières années : celui des transmissions grâce à l’utilisation des satellites, non plus en tant qu’appui aux armes de guerre mais en tant qu’appui aux armes de paix que sont nos clubs de golf.
Là, il faut le reconnaître, les firmes ont eu plus de mal. Une fois la page des télémètres tournée, il aura fallu du temps pour faire confiance aux GPS et autres montres de géolocalisation pour leur confier nos coups précieux. Il faut dire que des images venant notamment d’Irak avaient refroidi l’enthousiasme de certains et leur ôtaient l’espoir de réaliser grâce à cette technologie des frappes… chirurgicales.
Mais les techniciens n’ont pas molli sur l’ouvrage et ils ont finalement réussi à nous convaincre. Les GPS d’aujourd’hui sont sûrs et les distances qu’ils donnent sont majoritairement dignes de foi. Alléluia, donc ! Et il est tout aussi vrai que, cette fois, une majorité de golfeurs a suivi le mouvement, que ce soient les joueurs de haut niveau ou les pratiquants occasionnels. Incontestablement, le principe est génial : où que je sois, je connais la distance qui me sépare du trou et donc je ne commets plus d’erreurs de choix de club.
Dans la foulée, cela a permis à des professionnels du métier, bien équipés et qui connaissent les codes d’une bonne reconnaissance de terrain, de réaliser des carnets de parcours truffés de points de repères à destination des amateurs et de faire rentrer un peu plus ces derniers dans le monde des pros qui utilisent des notes (à la façon d’un road-book pour les pilotes de rallyes) depuis des décennies.
Mais il y a un « mais ».
Car toutes ces notes, ces points de repères bien réels, ces distances qui zèbrent les fairways ne valent que si le joueur sait à quelle distance il envoie la balle avec chacun de ses clubs. Deuxième point : ils ne prennent de sens que si le joueur est capable de reproduire ses coups, c’est-à-dire s’il est régulier.
Et c’est là que les problèmes commencent.
Car s’il a fallu du temps pour que les outils de repérage soient fiables, Il en faut plus encore pour faire un swing constant qui soit étalonnable et qui rende la lecture des données tangible pour bâtir dessus un début de stratégie. Ou alors la gestion d’un carnet de parcours peut devenir quelque chose de ressemblant à ça : « Mes notes m’indiquent que le trou que je joue est un par 4 de 320 mètres en dog-leg à droite et un bunker se trouve à l’angle du trou, qui commence à 190 mètres du départ et se termine à 210 mètres de ce dernier. La distance qui sépare la fin du bunker du green est donc de 110 mètres.
Je sais (car ça m’est arrivé un beau jour d’été au golf de Granville par grand vent) que j’avais tapé un drive qui était arrivé sur le green d’un trou de 280 mètres. Donc je vais taper mon drive en coupant au-dessus du bunker et il me restera 40 mètres à parcourir pour parvenir au green. Je jouerai donc un Sandwedge en second coup, à moins que je ne joue un demi-Pitchingwedge car je gratte souvent mon 56°. »
Dans la réalité, cela se traduit souvent de la façon suivante :
« J’ai slicé mon drive et j’ai fini à droite dans le petit rough qui borde le fairway. Ma balle a parcouru selon mes notes 175 mètres. J’étais à 15 mètres du bunker et il me restait donc 145 mètres pour le green. J’ai joué un fer 6, ce qui me semblait cohérent, mais je l’ai « topé » et ma balle a fini sur le fairway, devant le green à 35 mètres du mat. De là, j’ai joué mon sandwedge, comme prévu, que j’ai gratté. Je suis tombé dans le bunker de green dont je suis sorti du premier coup, puis j’ai pris trois putts. 7 pour le trou. Triple bogey…».
Ce genre de stratégie, je vous la laisse volontiers.
Car vous l’avez compris, tout cela peut rapidement devenir n’importe quoi. Et la stratégie dont on parle tant au golf peut se résumer alors à la gestion de mauvais coups, c’est-à-dire à tout sauf à une stratégie ! Le joueur ne peut donc profiter des formidables avantages de la technique moderne que s’il est étalonné.
Comment faire ? C’est très simple : soit en trouvant un tiers digne de (grande) confiance qui possède un simulateur de jeu réglé sur « neutre » qui fonctionne correctement, soit à la bonne vieille méthode, avec une roulette de métreur dans une main et un carnet ainsi qu’un crayon dans l’autre. Dans ce cas-là, faites cette séance à une heure où le practice n’a pas une fréquentation d’autoroute et n’oubliez pas d’utiliser vos balles de jeu plutôt que les balles de practice qui ne volent jamais aux distances habituelles. Tapez cinq coups avec chacun de vos clubs et sélectionnez, pour vous étalonner, la troisième balle la plus longue (ou la plus courte : il s’agit de la même !). Notez vos distances club par club et renouvelez l’opération deux fois par an : en fin de printemps et en début d’hiver. Pour profiter de l’outil, le joueur doit donc être régulier. Pour cela il n’y a pas de méthode. Le temps et votre pro sont vos meilleurs amis…
Les joueurs qui s’engagent dans ce processus d’étalonnage, découvrent généralement beaucoup d’éléments qui jouent sur le vol de la balle. Les conditions de jeu, qui étaient devenues accessoires, reprennent une place dans le jeu et le golfeur se sent devenir un autre homme : il ne se ment plus à lui-même et a une vision beaucoup plus réaliste du jeu et des distances véritables qu’il parcourt avec chaque club. Il va prendre également conscience de l’importance des balles qu’il joue et saura juger des conditions périphériques et de leur impact sur le résultat.
Pas la peine de se leurrer : je ne suis pas régulier, mes notes deviennent donc vides de sens, et je ne peux pas être stratège. C’est aussi simple que ça. Et malgré la couleur orange et mauve de ma montre connectée qui me va pourtant si bien, je dois admettre que je viens tout simplement de perdre approximativement 200 €. Un point peut cependant nous rassurer : au dire des firmes spécialisées dans la fabrication de GPS, ils ne seraient pas perdus pour tout le monde…