Le silence des chevaux

Un véritable plaidoyer pour défendre une autre vision de la vie commune entre l’homme et le cheval.

A travers le livre publié aux Editions Amphora et intitulé « Le Silence des chevaux : plaidoyer pour un autre monde équestre», Pierre Enoff défend une autre vision de la condition chevaline. Selon cet ancien ingénieur en génie mécanique et enseignant installé dans les Pyrénées depuis 1977, la relation entre l’homme et le cheval est fondée sur une totale méconnaissance de l’animal. Pierre Enoff propose dans ces pages une remise en cause des pratiques traditionnelles pour s’assurer du bien-être du cheval. Il refuse d’emblée le formatage qui régit la gestion des chevaux dans un très grand nombre de centres équestres pour privilégier une approche empirique qu’il juge pleine de bon sens.

Remettre en cause les traditions

Il balaye avec énergie les idées reçues concernant les conditions de vie des chevaux. Dans le box des accusés, des pratiques coutumières qu’il juge désastreuses comme le ferrage des sabots des chevaux. « J’ai décidé de ne pas suivre les pratiques habituelles issues de la tradition militaire qui consistaient à ferrer les chevaux. Le concept imposé par l’armée depuis des siècles était cohérent : le cheval était considéré comme un outil pour faire la guerre. Ce n’était qu’un outil ! Ferrer un cheval permettait selon les militaires de marcher n’importe où et de se déplacer sur les différents théâtres d’opérations pour mener bataille. Mais ferrer le cheval le rend sourd. Et puis le cheval était pleinement exploité, il était ensuite mangé par les troupes. Je peux affirmer qu’un cheval qui n’est pas ferré est davantage performant. Il est même meilleur en compétition. On me dit que c’est du dopage parce qu’il s’oxygène mieux sans fer ! C’est un comble ! Un cheval sans fer est meilleur en endurance. J’ai fait le test avec plusieurs chevaux sur cinquante kilomètres de route goudronnée. On gagne 15 kilomètres par heure. On me dit aussi que le cheval glisse sans fer. C’est faux, il s’adapte. Si ses appuis ne sont pas assurés, il compense ! D’ailleurs, en quarante années de randonnées, je n’ai jamais eu d’accidents graves. »

Autre pratique historique des cavaliers, l’embouchure, c’est à dire l’utilisation de mors dans la bouche des chevaux dont les conséquences sur leur santé sont très négatives.

Pierre Enoff devient l’avocat des chevaux tout au long des pages de son livre. Il est aussi le fondateur d’EQUILibre qui conseille de nombreux centres équestres en France. Passionné de cheval, Pierre Enoff met à disposition des intéressés sa rigueur scientifique, fruit de trente ans d’études sur la locomotion équine et les relations entre l’homme et le cheval. Une vision jugée souvent à contre-courant qui concerne également l’alimentation industrielle du cheval, le comportement regrettable d’un grand nombre de cavaliers ou encore l’espace confiné des box et le peu de sorties des chevaux.

« Le cheval a besoin de respect et de liberté. Lorsqu’il est enfermé 23 heures sur 24, il devient agressif ou malade. C’est comme le principe de l’alimenter avec des graines issues de l’alimentation industrielle. Le cheval est un herbivore. Il n’a pas les enzymes pour consommer des graines sèches. L’objectif n’a jamais été de préserver sa longévité ! Depuis une quarantaine d’années que j’ai rompu avec ces traditions, je peux prouver que les chevaux vivent plus longtemps. J’ai des chevaux qui ont trente-cinq ans alors qu’ils ne dépassent pas les dix-huit ans dans certains centres. Mon troupeau s’est d’ailleurs développé dans des proportions formidables. Mes principes n’ont pas recueilli l’adhésion de l’ensemble des centres équestres. J’ai d’ailleurs très vite été marginalisé. Mais je n’ai pas abandonné mes principes de ne pas maltraiter les chevaux. »

Les courses hippiques au banc des accusés

Pierre Enoff dénonce également des pratiques jamais remises en cause comme l’accouplement forcé, les entraînements difficiles des courses hippiques dont l’unique objectif serait de faire vivre une industrie dictée par le profit financier. « Chaque année, en France, 23 000 chevaux sont sélectionnés pour les courses hippiques. Sur ce total, seuls 1000 sont conservés. Les 22 000 recalés viennent alors garnir les plats de lasagnes. Ce n’est pas possible de les traiter ainsi ! C’est comme le trot. On parle de race de trotteurs. C’est complètement faux. Il n’existe pas de race de trotteurs. S’il choisissait, le cheval galoperait de manière naturelle ! »

Tout au long de son livre formidablement illustré de très belles photos, Pierre Enoff formule des solutions afin de changer les mentalités du monde équestre et la vision que l’homme se fait du bien-être du cheval. Selon lui, chaque cavalier amoureux des chevaux doit être amené à se poser des questions afin de définir s’il est amoureux de la pratique équestre ou tout simplement des chevaux. Une passion sans limite dans le but d’instaurer une relation équitable entre l’homme et le cheval. « Cessons de penser pour le cheval, de penser à sa place. Respectons-le car le respect n’apporte que des satisfactions. Je considère le cheval comme un individu. Je le respecte profondément. Mon livre est à l’image de ce que je réalise depuis près de quarante années : il remet en cause des conservatismes. Il place le cheval au centre comme un individu épanoui ! Proposons un nouveau concept ! Ce n’est pas en améliorant la bougie que l’on a inventé l’électricité. Sinon on n’avance pas. Il faut trouver un nouveau concept ! »

Plus qu’un plaidoyer, Pierre Enoff déclare son amour sans limite pour le cheval. Un avenir qu’il envisage avec optimisme à une condition : que les cavalières remettent en cause des pratiques masculines basées sur le cheval de bataille. « La femme est l’avenir des chevaux. Elle permettra de s’éloigner du concept militaire pour réapprendre à vivre avec les chevaux. Rappelons que les femmes représentent 80% des cavaliers. Une vraie chance aussi pour les chevaux ! »

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