Le concept de fautes directes est généralement bien connu et recouvre l’ensemble des erreurs commises par un joueur sans être provoquées directement par un bon coup de l’adversaire.
Il est fréquent de voir cette statistique dans l’analyse d’un match entre deux joueurs professionnels.
Il est vrai que la faute directe n’est pas toujours facile à identifier par rapport à la faute provoquée. Dans leur appréciation, les personnes qui compilent les statistiques regardent prioritairement si le joueur qui frappe le coup est en retard ou est en train de bouger lorsqu’il joue son coup. Si l’un des deux critères est avéré, alors le joueur est dans une situation difficile et s’il fait faute, c’est une faute provoquée.
Toutefois ce classement n’est pas évident à appliquer. Si l’adversaire vous remet une balle facile mais monte au filet et que vous ratez, est-ce une faute directe ou une faute provoquée ? De même si vous avez à jouer une balle excentrée, même facile, de l’adversaire et que vous prenez un risque pour éviter d’être débordé sur le coup suivant, à nouveau est-ce une faute provoquée ou non ?
Je ne souhaite pas rentrer dans ce débat, où la subjectivité règne en maître. Une autre définition, tout aussi subjective, de la faute directe pourrait être la faute que le joueur ne devrait pas rater compte tenu de son niveau.
Les statistiques ont généralement tendance à se concentrer sur les coups gagnants. C’est en effet les plus spectaculaires. Pourtant ils ne garantissent en rien le succès en match. Un joueur comme Sam Querrey qui a réussi plus de 55% de points gagnants à l’US Open 2015 a pourtant perdu en trois sets secs face à Nicolas Mahut. De même, Djokovic a beau avoir commis 100 fautes directes à l’Australian Open 2016 contre Gilles Simon, il a fini par gagner ce match alors qu’il en avait commis 32 de plus que son adversaire du jour.
La moyenne dans un match est de gagner 30% des points sur des coups gagnants, 40% sur des fautes directes de l’adversaire et 30% sur des fautes provoquées. L’honneur est sauf puisque attaquer permet de gagner 60% des points (coups gagnants et fautes provoquées) et les fautes directes seulement 40%.
I/ Analyse des fautes directes
Autant les statisticiens regardent les zones touchées par les points gagnants, autant l’analyse des fautes directes est extrêmement rare. Il y a trois manières de commettre une faute :
- la balle va dans le filet ;
- la balle est trop longue et va au-delà de la ligne de fond de court ;
- la balle est trop en angle latéralement et va dans le couloir ou au-delà.
Les deux dernières erreurs peuvent se cumuler, dans ce cas la faute retenue est celle qui est la plus conséquente.
Avec cette classification, il est statistiquement possible d’analyser en moyenne la fréquence de chacune des fautes, à la fois au service et dans l’échange :
Chiffres moyennés (+ 500) | Au Service | A l’échange |
Faute dans le filet | 43% | 43% |
Faute en longueur | 42% | 29% |
Faute latérale | 15% | 28% |
Total | 100% | 100% |
a/ Les fautes dans le filet
Il ressort de cette analyse que le principal danger au tennis est le filet, aussi bien au service, ce qui semble naturel, que dans les échanges du fond. L’objectif de faire un coup gagnant oblige à jouer plus fort et par conséquent plus près du filet. La hauteur moyenne d’une balle franchissant le filet est d’environ 1,90 mètre, soit l’équivalent de deux fois la taille du filet.
Sur les attaques, les balles franchissent généralement le filet à une hauteur de moins de 50 cm par rapport à celui-ci. Ce n’est pas le cas sur des attaques profondes très fortement liftées, mais peu de joueurs arrivent à mettre des effets liftés supérieurs à 3500 tours/minute qui permettent de frapper très fort tout en gardant la balle dans le périmètre du court.
Enfin, pour éviter les balles dans la bande du filet en attaque, une solution peut être de jouer davantage croisé vers le milieu du filet qui est environ 10 centimètres plus bas que sur les côtés extérieurs.
Il est à noter que le filet aurait tendance à s’élever au fil du match ! Lors de nombreuses rencontres, le pourcentage de fautes directes dans le filet tend à augmenter régulièrement au cours du match. En effet, avec la fatigue et le surcroît de pression en fin de match, les joueurs frappent moins franchement dans la balle et le taux de fautes dans le filet s’accroît sensiblement. C’est encore plus sensible au service, notamment pour les joueurs de taille modeste, où le taux de premier service dans le filet est bien supérieur en fin de match à celui prévalant au premier set.
Conseil => Plus le match avance, plus il est important de prendre une marge de sécurité accrue par rapport au filet.
b/ Les fautes en longueur
Ce type de fautes représente environ 30% des erreurs commises dans l’échange et plus de 40% au service. Il est intéressant de savoir que sur une balle jouée sans effet, quelle que soit la vitesse de la balle, l’action de la pesanteur prend le même temps pour amener la balle au sol. Si une balle atteint une hauteur maximale de 1,5 mètre, elle mettra ensuite 0,55 seconde pour toucher le sol. Si la vitesse est trop importante, elle sortira des limites du terrain n’ayant pas le temps de rebondir avant la ligne de fond.
Les lois de la gravité sont le meilleur ami du joueur de tennis. Sans elles, tous les coups sortiraient des limites du court. Donc si vos balles sont trop régulièrement longues, il convient soit de taper moins fort, soit de réduire la hauteur du point d’inflexion de la balle, c’est-à-dire la hauteur où la balle commence à redescendre.
La géométrie est également d’une grande aide au tennis. Jouer croisé permet de disposer d’un court 1,4 mètre plus grand qu’en jouant le long de la ligne. Jouer en direction de l’angle opposé permet de mettre l’adversaire plus en difficulté et de réduire le nombre de fautes commises.
L’autre solution pour garder une balle dans le court consiste à profiter de l’effet Magnus et de mettre un important effet lifté à la balle qui l’aide à aller plus vite en direction du sol. Une balle frappée à 105 km/h avec un lift de 2400 t/min rebondit un mètre plus tôt qu’une balle frappée à la même vitesse avec le même angle initial mais à plat.
L’altitude joue également un rôle important sur les fautes en longueur. La même balle frappée à 105km/h à Mexico, Quito ou Bogota, rebondit un mètre plus loin qu’à Paris. En effet, les forces de frottement de l’air y sont moindres et les balles les balles « volent » davantage. Aussi si vous jouez à plus de 500 mètres d’altitude, ne soyez pas surpris si vos coups sont plus longs de 30 centimètres…
Conseil => Si beaucoup de vos balles sortent, jouez moins fort, moins haut et plus lifté.
c/ Les fautes latérales
Ces fautes sont relativement nombreuses à l’échange et représentent un nombre à peu près équivalent à celles des fautes en longueur. Force est de constater qu’elles sont plus importantes face à des joueurs très mobiles. L’objectif du joueur face à un défenseur qui couvre bien son terrain et d’essayer de le déplacer encore davantage et de prendre plus de risques sur les lignes extérieures.
Les fautes latérales sur des coups croisés sont également des fautes de longueur. Les ajustements sont donc les mêmes que sur les balles qui sortent en longueur (jouer moins fort, moins haut et plus lifté). Il est également possible de jouer un peu moins croisé et de viser l’angle opposé ce qui redonne un peu plus de terrain et de probabilité à la balle d’être bonne. En revanche les fautes latérales sur des attaques en long de ligne sont la rançon à payer du jeu d’attaque. Une attaque le long de la ligne se doit d’être décisive à défaut d’être en situation très défavorable sur un coup croisé de l’adversaire. Prendre un risque ici est naturel puisque le coup gagnant est recherché. Accepter le risque de faire des fautes fait partie intégrante du jeu. Il faut juste vérifier qu’in fine le nombre moyen des attaques gagnantes est bien supérieur à celui des fautes directes (filet, longueur, largeur) dans cette situation tactique.
II/ Analyse des raisons qui conduisent à faire une faute directe
Si pour un joueur débutant toute balle réceptionnée est de nature à pousser à la faute, pour le joueur moyen ou confirmé il existe un ensemble de coups assez faciles à renvoyer. Il s’agit de situations où il est possible de remettre la balle dans le court adverse :
- lors d’un échange équilibré avec une probabilité de l’ordre de 95% ;
- lors d’une attaque dans plus de 75% des cas.
C’est dans ces cas de figure qu’interviennent les fautes directes, des erreurs que les joueurs ont du mal à se pardonner alors que statistiquement elles sont inévitables. La perfection n’existant pas, l’objectif est de s’améliorer en les réduisant autant que possible, mais il n’est pas facile de les éliminer complètement, même pour les meilleurs joueurs du monde.
Il y a trois raisons principales expliquant ces fautes étranges et pourtant si nombreuses[1].
1. Les facteurs psychologiques
Les fautes directes liées à une mauvaise prédisposition mentale du joueur avant de jouer un coup ont des causes multiples :
- volonté de changer la direction du coup au dernier moment ;
- manque de concentration et d’implication au moment de la frappe ;
- peur de rater (du fait de l’adversaire ou des conséquences de gagner ou de perdre) ;
- fatigue physique ou psychologique qui affecte le placement ;
- manque de confiance sur le coup à jouer (après des échecs similaires) ;
- focalisation excessive sur un aspect du jeu (technique, tactique…) ;
- être émotionnellement affecté (angoisse, frustration, colère, déception…).
Pour bien jouer, le joueur doit être dans un état d’esprit positif. Les fautes directes sont un des symptômes du doute qui peut exister pour tout joueur au cours d’un match. Le tennis est un jeu complexe et exigeant, qui requiert une disponibilité d’esprit totale. Avec un cerveau qui vagabonde et empli de pensées parasites, la probabilité d’avoir un placement imparfait, une mauvaise coordination ou un timing désynchronisé lors la frappe est sensiblement accrue. La balle est frappée trop tard, décentrée ou avec un mauvais angle de la tête de raquette, ce qui provoque la faute.
Il est difficile d’être imperméable aux émotions mais pour travailler cet aspect du jeu, on ne peut que recommander la lecture des ouvrages « Pensez comme un champion » de Jean-Philippe Vaillant ou « Soyez P.R.O. » de Ronan Lafaix [2]. Jouer dans l’instant présent et non dans le futur ou le passé est un des exercices parmi les plus délicats pour réussir à bien jouer au tennis
2.La complexité du jeu
Le tennis est un sport extrêmement exigeant. En une demi-seconde environ, le cerveau doit être en mesure de :
- calculer très rapidement la trajectoire de la balle adverse ;
- mesurer le temps disponible pour jouer le coup ;
- analyser la position de l’adversaire et son replacement ;
- tenir compte du déroulement du match et des tactiques pertinentes ;
- prendre la bonne décision du bon coup à jouer au bon moment ;
- coordonner efficacement des centaines de muscles du corps pour se placer ;
- frapper une balle en mouvement avec une raquette en mouvement tout en se déplaçant ;
- moduler la force et l’effet choisis lors de la frappe de balle ;
- disposer d’une précision angulaire de quelques degrés dans la direction et dans la hauteur de son coup.
Tout cela pour trouver la zone souhaitée dans le terrain adverse. Il suffit d’une petite altération dans cette mécanique complexe pour conduire à la faute. Il n’est pas possible d’être parfait sinon le meilleur joueur gagnerait 100% des points disputés. Même avec un geste très mécanique comme le lancer franc au basket, le record de lancers réussis consécutivement dans toute l’histoire de la NBA est de 97.
3. La pression de l’adversaire
Jouer un coup comporte deux risques :
- faire une faute ;
- donner une balle facile à l’adversaire qui gagnera alors très souvent le point sans prendre de risque.
Le joueur de tennis est souvent écartelé entre ces deux risques. Quelques bonnes attaques de suite de l’adversaire sur des balles trop molles ou trop courtes, incitent à prendre plus de risques et à faire des fautes directes.
Les coups au tennis doivent intégrer un certain niveau de risques parce qu’ils ont besoin d’être profonds, rapides et précis afin de prendre l’ascendant dans l’échange. La domination dans le jeu conduit l’adversaire à faire des fautes, ce qui permet in fine de gagner plus de points et de remporter le match. Il y a en moyenne 40% de fautes directes, mais 60% de coups gagnés en attaquant ou en contre-attaquant. En cherchant à éliminer toute faute directe du jeu, vous n’avez aucune chance de réaliser un coup gagnant ou de provoquer une faute en défense de l’adversaire. En refusant de prendre tout risque à l’échange, vous laissez le choix à l’adversaire du coup et du moment pour attaquer. Il le fera donc dans les conditions les plus favorables pour lui. L’objectif ne devrait pas être de ne jamais manquer (ce qui d’ailleurs est irréaliste), mais de gagner plus de points qu’en perdre…
Il faut dédramatiser la faute directe en y voyant la simple conséquence de la complexité du jeu et de l’impérative obligation de chercher à mettre l’adversaire en difficulté. Ainsi, le joueur évite d’avoir à se blâmer, à supporter l’entière responsabilité de ses erreurs « impardonnables ». Cette auto-flagellation n’est en rien constructive au tennis. Il faut travailler son jeu pour avoir plus de constance et de consistance, mais en acceptant l’idée de faire parfois des fautes en attaquant.
[1] http://www.tennismindgame.com/unforced-errors.html
[2] Editions Amphora
Pour en savoir plus :
Tennis – Les fondamentaux Tactiques
Cyril Ravilly
Editions Amphora