Les comportements alimentaires en question

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L’activité physique et sportive et la performance nécessitent la prise en compte de nombreux aspects telle la préparation technique, la préparation physique, la préparation mentale et la préparation tactique. L’ensemble de ces composantes de la performance ne peut s’envisager sans tenir compte de l’hygiène de vie du sportif liée au sommeil, à l’hydratation et à l’alimentation. Effectivement, sans un apport alimentaire adapté en termes de quantité et de qualité, le ou la sportive ne pourra pas être en mesure de performer de manière optimale tant de par sa propre composition corporelle que de par sa capacité énergétique.

Un aspect de la performance à ne pas négliger

De nombreux sports sont dits « à risque » concernant les désordres alimentaires. Ces désordres alimentaires se définissent comme des attitudes qui s’étendent de restrictions sérieuses jusqu’aux habitudes de consommation qui aident à perdre du poids ou à maintenir un corps mince. Certaines disciplines sportives où un faible poids est considéré comme pouvant contribuer à la vitesse et à l’efficience du mouvement (marathon, courses d’endurance), les sports à catégories de poids et les sports jugés sur des critères esthétiques qui nécessitent une connaissance de soi poussée et une morphologie spécifique, sont caractérisés par une prédominance des désordres alimentaires.

Différentes explications ont été avancées pour rendre compte de la tendance des adolescents sportifs à développer davantage de désordres alimentaires : ils seraient particulièrement soumis, en plus de la pression socioculturelle, à une pression liée à la pratique de leur sport, celle-ci les incitant à se conformer à des formes de corps idéales, dans un but d’esthétique et de performance. Cette problématique des désordres alimentaires est particulièrement liée aux normes physiques véhiculées dans ces disciplines. Cependant, dans ce contexte particulier, les désordres alimentaires peuvent devenir un moyen permettant de respecter les normes relatives aux formes de corps et de favoriser la recherche de la performance. Il s’agirait dans ce cas de la mise en place d’un mécanisme similaire à celui du comportement de dopage. Le sportif serait prêt à mettre en péril sa santé au profit de la performance par le biais de stratégies alimentaires malsaines.

Perdre du poids juste avant la compétition : une hérésie !

Une perte de poids rapide engendre beaucoup de fatigue chez le sportif et ne lui permet pas d’être dans les meilleures conditions pour performer. En effet, elle entraîne des modifications dans le fonctionnement du métabolisme de l’individu, ce qui nécessite plus d’énergie dédiée à son fonctionnement. Cela implique aussi des changements au niveau des repères proprioceptifs, ce qui peut perturber le sportif. Une perte de poids rapide est reliée à des conséquences néfastes : une privation alimentaire importante générale ou uniquement basée sur un groupe particulier de nutriments déclenche des carences qui limitent le fonctionnement optimal de l’organisme. La privation imposée au corps implique par la suite la mise en place d’une stratégie de stockage, par l’organisme, des aliments ingérés en prévision d’une autre privation. Ainsi, on observe la mise en place d’une évolution yo-yo du poids de corps alternant entre privation et stockage, ce qui amène généralement à un poids supérieur au poids de corps initial.

Par ailleurs, comment ne pas dénoncer ces pratiques que l’on trouve généralement dans les sports de combat où l’on fait un footing avec survêtement et Kway pour perdre du poids juste avant la pesée qui précède la compétition ? Dans ce cas, le poids perdu est uniquement de la sueur. Or l’importance de l’hydratation pour la performance est parfaitement reconnue (on estime que 1% d’eau corporelle perdue correspond à une chute de performance de 10%) ; ainsi, on ne s’étonnera plus des mauvais résultats d’un athlète qui s’impose un tel programme.

Quelles réponses ?

À partir de ces constats, dans une visée de prophylaxie concernant l’activité physique et sportive et la performance, différentes stratégies peuvent être considérées afin d’éviter l’adoption de comportements alimentaires malsains pour les sportifs :

  • Amener les sportifs et leur entourage (entraîneurs, dirigeants, parents, amis, partenaires) à vérifier les stéréotypes et morphotypes véhiculés dans leur discipline ainsi que leur efficacité au service de la performance. Par exemple, dans le cadre du patinage artistique, sport alliant puissance et esthétique, le morphotype féminin évolue à travers les années et de nos jours, la maigreur ne semble plus préconisée.
  • S’interroger sur les incidences sur la performance des comportements alimentaires malsains mis en place dans le but de satisfaire les normes physiques imposées par leur discipline. Généralement, l’adoption de ce type de comportement (régime drastique, stratégies compensatoires) est tout d’abord vecteur de fatigue, puis de carences, ce qui ne permet pas aux sportifs d’être dans les conditions idéales de performance.
  • Amener les sportifs et leur entourage à prendre conscience des conséquences physiques, physiologiques, psychologiques et sociales liées à la mise en place de désordres alimentaires. De nombreux désagréments sont engendrés par l’adoption de ce type d’attitude (fatigue, obsession portée sur le poids de corps, perte de repères concernant l’image du corps).
  • Ne pas faire des comportements alimentaires et du poids un « tabou ». La prise en considération de la gestion du poids fait partie de la préparation à la performance de la même manière que les autres composantes de la performance. Il s’agit de suivre l’évolution du poids en responsabilisant les sportifs afin de ne pas pénétrer leur intimité ; mais une objectivation de cette variable est nécessaire pour faciliter les échanges et la planification en fonction des objectifs de performance.
  • Aider les sportifs à objectiver leur relation au corps et aux formes de corps par rapport à la performance. Pour cela il s’agit d’harmoniser le poids réel des sportifs, leur poids désiré et leur poids optimal pour la performance. Cette objectivation limiterait la recherche sans limite de la minceur et l’insatisfaction corporelle permanente qui caractérise les personnes présentant des pathologies liées aux désordres alimentaires.
  • Accepter que pour un individu, au regard de l’hérédité, de l’hygiène de vie, de l’éducation et d’autres innombrables facteurs, il correspond une morphologie et un poids particulier. On ne peut considérer une catégorisation fixe reliant un âge, une taille, un poids et une morphologie. Chacun est en mesure d’affûter sa morphologie de la manière la plus optimale possible en fonction et dans le respect de ses caractéristiques individuelles.
  • Faire en sorte que les sportifs et leur entourage s’initient aux bases de la diététique afin de connaître et comprendre les besoins énergétiques des sportifs en termes de qualité et de quantité par rapport à l’âge, au genre, à l’activité physique et la période considérée. La connaissance des fondamentaux permettrait d’éviter certains écueils réalisés au cours de la carrière des sportifs pouvant avoir des conséquences plus ou moins pénalisantes sur la performance.
  • Que les sportifs et leur environnement social (entraîneurs, dirigeants, parents, amis, partenaires) acceptent de s’entourer de spécialistes dans ce domaine pour s’informer, s’éduquer, voire consulter, pour mettre en place des stratégies spécifiques mais saines et adaptées aux exigences de la performance. Pour cela, consultants sportifs sur les désordres alimentaires, diététiciens, voire nutritionnistes, peuvent être les personnes ressources auprès desquelles il faudrait se tourner pour allier sport et performance, même dans les disciplines dites « à risque » concernant les désordres alimentaires.

Conclusion

Chacun des axes évoqués dans cet article nécessite une lecture et un approfondissement particulier, adapté à chaque discipline, pour prendre tout son sens. Ainsi, au regard de ces pistes de travail, l’essentiel reste de prendre en compte l’hygiène de vie et plus particulièrement l’alimentation du sportif, comme une composante à part entière de la performance. Sport, performance, comportements alimentaires sains et adaptés sont une triade à ne pas négliger tant dans les échanges entre les sportifs et leur environnement social, que dans les objectifs ou les planifications pour aboutir à la performance.

Pour en savoir plus :

Entraîner des sportives
Stéphanie Meriaux-Scoffier
Éditions Amphora

A905

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Stéphanie MERIAUX-SCOFFIER

Stéphanie MERIAUX-SCOFFIER

Professeur à l’UFR STAPS de Nice, Docteur en Science du Mouvement Humain et ancienne Conseillère Technique Nationale auprès de la Fédération Française des Sports de Glace, la problématique du sport féminin passionne Stéphanie MERIAUX SCOFFIER en tant que sportive, entraîneur mais aussi en tant que chercheur.